Voile de l’ange (Le)

A partir de 17


500 exemplaires imprimés sur Bouffant
illustrés de 3 compositions de Avi Ravitzki; traduction : Emmanuel Moses.

20 exemplaires tirés à part au format 28 x 20 cm, rehaussés de quatre originaux de Avi S. Ravitzki.

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Description

Le voile de l’ange, cycle de poèmes d’Anna-Marie Ravitzki, est une méditation flamboyante sur le langage, la féminité, l’histoire, l’enfance et l’identité. Les textes présentés ici constituent autant de coups de sonde à la lisière de la conscience et de l’inconscient, de la passion et de la pensée.

Tourbillonnant dans l’air tatouée dans la force du balancement
Qui manœuvre entre chaque état de l’être
Je suis inondée d’odeurs et de désirs de tempêtes
J’essaie de me concentrer sur une étreinte
De crainte de me retrouver dans le néant d’une lumière supérieure
Qui cogne contre toutes les couches des cœurs.
Ce saut en l’air comme les ailes d’un oiseau
Vole sans but précis
Derrière cette odeur de la création
Je me soulève jusqu’au ciel jusqu’aux quatre vents célestes
Et je regarde leur beauté je la contemple en profondeur
Quelle grande grâce que de trouver un remède
Dans des ailes tourmentées.



Anna-Marie Ravitzki et son traducteur, le poète Emmanuel Moses. Lecture à la librairie « La Lucarne des écrivains », Paris, juin 2015.

La critique

Anna-Marie RAVITZKI : Le Voile de l’ange

par : Bernard Perroy

« Je veux avoir un voile d’ange » (p.9) écrit Anna-Marie Ravitzki dès les premières pages de son recueil qui comporte 35 poèmes illustrés par quatre magnifiques dessins d’Avi S. Ravitzki, son mari, sculpteur, peintre et cultivateur de truffes dans le Périgord noir où ils habitent tous les deux.
Après avoir refermé le livre, il nous en reste une forte impression : on est subjugué par la vivacité d’esprit de l’auteure, par le foisonnement de ses pensées, de ses désirs, par la richesse et la singularité de son expression aux images et aux rapprochements audacieux, aux raccourcis fulgurants que l’on pourraient dire « surréalisant » si l’expression n’était pas trop piégée et datée, éloignée de la culture hébraïque de l’auteure.
Il s’agit du premier recueil français d’Anna-Marie Ravitzki, traduit de l’hébreu par Emmanuel Moses qui est lui-même poète et romancier (1). Ce dernier m’a précisé qu’un deuxième recueil d’Anna-Maria Ravitzki, – en fait, chronologiquement, son premier – est en route chez les éditions Obsidiane. La revue Secousse vient d’en publier quelques poèmes.

*

Un chemin de désir

D’un bout à l’autre du livre, c’est un chemin de désir qui nous est donné de lire :

« Parfois je me noie dans le désir
De cette chose inatteignable
(…) Il est interdit de perdre les désirs
De perdre délibérément la vie » (p.15)

Le fil rouge du désir concerne toutes les dimensions de la vie : désir du corps, désir du cœur, désir de la pensée, désir de la relation, désir de se retrouver aussi avec soi-même, avec sa propre histoire, son identité, son enfance, ses racines ou son manque de racines… Désir également de comprendre ce désir en nous, plus vaste que nous-mêmes… Anne-Marie Ravitzki voudrait rejoindre ce qu’elle pressent aussi de plus vaste que le monde. Elle est « travaillée » par cet  »au-delà » qui surpasse toute connaissance, toute compréhension, tout sentiment…

« Je désire tout ce qui m’échappe » (p.8)
(…) voyageuse que je suis
Fille des plaines prodigue
Risible par mes tourments vertigineux » (p.11)
« Les graines qui m’ont fécondée
M’inspirent des idées d’éternité » (p.10)

et ce magnifique passage qui synthétise bien son écriture et les thèmes qui l’habitent :

La vie est un miracle
Un univers de guérison
Une paire de socquettes blanches sur des pieds gelés
La vie est un tas de vertiges qui tournoient
Entre la tête et la région lombaire
Entre le cou et la trachée-artère.
Je m’y consume
Assoiffée de désir dans ce quotidien » (p.19)

*

Corps et âme

La quête intellectuelle, métaphysique, spirituelle… et tout ce qui forme le tissu matériel et corporel de notre quotidien s’entremêlent à plaisir, se répondent, s’interpénètrent non sans humour ! Les textes d’Anna-Marie Ravitzki s’étalent chaque fois sur toute la page ou presque. S’ils en appellent à l’éternité, à un désir de transparence aux choses, à leur signification, au vide aussi ou aux « alleluias qui pénètrent dans chaque goutte de mystère » (p28)… ils s’appuient en même temps sur le concret de la vie, telle qu’elle est avec l’usage de nos cinq sens ; la vie avec ses expériences, ses manques et ses plaisirs… Et les mots expriment la réalité incarnée de notre condition humaine :

« Nous sommes nous aussi des mammifères allaités au sein » (p.20)
« Et ma tête (…)
A compris le goût du sel collée à la plante de mes pieds » (p.13)
« J’ai de l’encre sur mes lèvres
Qui coule de ma bouche
J’écris avec ma salive » (p.14)

Nous découvrons ce rapport intime entre corps et langage, combien également Anna-Marie Ravitzki se trouve être viscéralement fille du Livre, fille des Ecritures Saintes, fille de la Thorah dont les mots ne servent de rien s’ils ne s’incarnent pas dans nos gestes les plus quotidiens :

« J’implore le don d’une copie du manuscrit ancien
Qui se dicterait sur mon corps » (p.14)
« Je veux me vieillir à en mourir dans la langue de la Torah » (p.29)
« …perles des profondeurs
Accumulant toute mon histoire en une seule vague
Qui submerge mon corps de grandes tentations
Et inscrit sur ma peau les Saintes Ecritures. » (p.31)

*

En perpétuel mouvement

Au bouillonnement des images correspond chez Anna-Marie Ravitzki (qui a longtemps enseigné la philosophie) un bouillonnement de la pensée dont elle aimerait parfois se départir.

« Je ne suis que les signes sur le corps
Je suis des réflexions infinies sur la nature de l’homme » (p.25)
« Mon intellect enflamme les mots » (p.24)
« Mes pensées se dirigent d’elles-mêmes
Vers une dimension qui me crache à la figure
(…) Ma curiosité est grande » (p.33)

La poète nous parle de « l’effervescence qui pétille dans mon âme comme du champagne » (p.39) et qu’elle aimerait parfois « empêcher » pour « trouver sa respiration dans des pensées simples » (p.39). Mais tout ce mouvement intérieur s’origine sans doute dans l’histoire même, individuelle et collective, d’Anna-Marie Ravitzki née à Tel Aviv, « fille d’immigrés » (p.30), « à la recherche de l’amour » et d’elle-même (p.39) parmi « ces sentiers blessés » (p38). Le mouvement fondamental est celui de la « marche », du « chemin » : chemin du corps, chemin de l’âme.
A plusieurs reprises, l’auteure se dit « l’étrangère », la « bohémienne », une « minorité issue d’une minorité », atteinte par ce sentiment d’exil, extérieur et intérieur… Et comme pour suivre l’injonction de Dieu à Abraham « Va vers toi-même » (Gn 12, 1) que l’on retrouve dans le Cantique des cantiques (Ct 2, 10), Anna-Marie Ravitzki nous confie : « Je vais mon chemin face à moi-même » (p.38), entre mémoire et avenir, mais également dans ce présent seul véritablement porteur de plénitude :

« Je cherche tout ce qui s’est perdu sur le balcon de l’enfance » (p.22)
« Le présent est l’arme de mon existence disimulée depuis mon enfance » (p.23)
« Je fraie un chemin vers un lieu inondé de battements de coeur » (p.40)

« J’élague les bruits chaque matin
Je les dépose sur les brumes
Et je sais qu’aujourd’hui je vis. » (p.44)

*

La soif d’une grande amoureuse

Les références bibliques dans ces poèmes, comme nous venons de nous en apercevoir, sont multiples. Emmanuel Moses, son traducteur, m’a précisé qu’Anna-Marie Ravitzki « a étudié la pensée juive en profondeur. » Il m’écrit aussi : « La Bible, comme les Évangiles d’ailleurs dont elle se sent proche, notamment du personnage de Marie-Madeleine – ce qui apparaît très explicitement dans le livre que publie Obsidiane – traversent et irriguent son travail. » Si elle utilise des formules bibliques et des expressions puisées dans la tradition juive, la liturgie, la kabbale, le yiddish… elle s’en joue littéralement !
A travers tout cela, Anna-Marie Ravitzki nous confie son besoin d’amour, son ardeur, toutes ses ardeurs, et se sent proche effectivement de la figure de la Magdaléenne aussi bien dans ce qu’elle fut avant sa rencontre du Christ que dans ce qu’elle transporte ensuite de joie, de pleurs transfigurés… Seul l’amour vrai tranfigure, amour que chacun recherche et expérimente à sa façon et comme il le peut. Elle exprime si magnifiquement combien « les touchers (d’amour) que la chair vivante a connus sont la clé de mon devenir » (p.36). « Je suis étrangère, par ma fougue aussi » (p.37). Elle se dit vouloir « connaître tous les trottoirs de la ville » (p.41) (et l’on pense à la bien-aimée du Cantique des cantiques qui cherche désespérément dans les rues de la ville son Bien-aimé). Elle se dit être « une enfant des rues » et « l’amante vulgaire de cette ville » (p.41), l’enfant de toutes nos contradictions, de toutes nos prostitutions, de toutes nos maladies d’amour…
L’instant ultime, si beau, si profond, si vrai, si essentiel, est bien celui de la rencontre où, dans « le refuge du coeur » (p.41), « cette musique intérieure / m’appelle par mon prénom » (p.44), en référence au Christ ressuscité, dans le jardin du tombeau vide, qui appelle Marie-Madeleine par son prénom, tandis que celle-ci prenait Jésus pour le jardinier des lieux. Elle s’écria alors : « Rabouni !», reconnaissant le Christ, dans la joie de se savoir connue, reconnue et aimée en vérité par un tel Dieu d’amour…

Bernard PERROY

(1) Emmanuel Moses, poète et romancier, auteur de près d’une trentaine d’ouvrages , a lui-même écrit chez AL Manar, en tant que poète, un très bel ouvrage, « Le voyageur amoureux », en 2014.
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Lecture du Voile de l’ange en français et en hébreu aux « Cahiers de Colette », Paris, le 9/04/2016. Avec Anna-Marie Ravitzki et Emmanuel Moses.

Caractéristiques

exemplaire

courant, de tête

isbn

978-2-36426-049-8

parution

Auteur

RAVITZKI Anna-Marie

Artiste

RAVITZKI Avi S.

Collection

Poésie