Rêve de la huppe (Le)

A partir de 18


Poèmes de Anne Rothschild.

Illustration Rachid Koraïchi.

21 exemplaires tirés à part sur vélin d’Arches
au format 22 x 16 cm,
rehaussés d’un dessin original de R. Koraïchi,
sous couverture Arches ivoire 300 gr.

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Description

Un chant d’espoir pour la paix à venir entre Palestine et Israël.

La huppe, messagère de l’Invisible pour les mystiques musulmans, serait à l’origine de la rencontre entre le roi Salomon et la Sulamite, venue du royaume de l’encens. De cette étreinte, dit-on, naquit le plus beau des chants d’amour…

Aujourd’hui, l’oiseau s’est réfugié dans le sommeil. Dans un espace trop chargé de mémoire, deux peuples hantés par leurs mirages et enfermés par leurs peurs, se massacrent. Les générations se succèdent et semblent avoir oublié jusqu’à la signification du mot paix.

Parfois un rêve traverse la huppe, l’emportant dans un flux d’images. Le présent réveille le passé, les siècles se bousculent. On peut alors peut entendre les voix de la mystérieuse Sulamite, de l’amant et du chœur de Jérusalem se répondre. Mais qui donc est cette reine dont les trois Livres taisent le nom ?

Une femme, un monde, une terre, une ville ou le chant du poète ?

Vingt-et-un dessins de Rachid Koraïchi accompagnent les textes de Anne Rothschild. Chacun des exemplaires de tête est rehaussé d’une encre originale de Koraïchi.


Le passé gît au cœur du présent

Engoncée dans l’écorce des lettres repliée dans le ventre du livre sommeillait la huppe un monde derrière le monde porté par un millier d’ailes un royaume où l’encens rend palpable le grain du ciel Quand tout n’est que silence les oiseaux rentrent dans la lumière du chant et les luths brodent l’arabesque de nos doigts

Un roi bâtisseur une femme venue de l’extrême avec leurs armées retiennent l’écho d’une étreinte dont la déchirure fonde le palais à venir Ô Jérusalem si c’était le sens ultime de mes énigmes peut-être le secret du voyage qui m’habite ainsi songeait la huppe à l’intérieur du rêve lorsque les prophètes se mettront à tomber et que les baisers ne suffiront plus à étancher les cendres un nuage noircira ma couronne et le couchant – ou l’ivresse du vin ? – se posera sur ma gorge lisse


La critique

Anne Rothschild : Le rêve de la huppe
Dessins de Rachid Koraïchi
Editions Al Manar, 18 €

Le douzième recueil d’Anne Rothschild, Le rêve de la huppe, s’inscrit dans une méditation poétique qu’annonçait déjà le tout premier de ses livres : L’an prochain à Jérusalem, publié à Genève, par Eliane Vernay, en 1979. La huppe, messagère de l’invisible aurait été à l’origine de la rencontre entre Salomon et la reine de Saba. Et celle que le Coran nomme Balkis, la Sulamite, inspira à l’heureux monarque, dit-on, le plus beau des chants d’amour. A l’instar du Cantique des cantiques, la reine,  » dont le corps se fond / Avec l’orient des origines / Court sur la houle / D’une caravane toujours en fuite,  » n’est jamais nommée. Le symbole ici est polysémique et désigne tout aussi bien la femme aimée, la terre pour laquelle deux peuples se déchirent, la ville de la paix que la moindre étincelle peut transformer en champ de ruines. Amer constat :  » L’âme est étrangère partout.  » Même les arbres se dressent comme des armes prêtes pour l’arrachage :  » Mon frère le cyprès / Qui a mille ans / Tourne pour mourir / La terre saignée à blanc / saignée à vif / N’a d’autre horizon / Qu’un champ de lances.  » La huppe a-t-elle encore un message à délivrer ? Les voix du poème dialoguent avec le chœur des filles de Jérusalem, en appellent au réveil des consciences :  » Parce que nous sommes sans nouvelles des prophètes / Retourne, retourne-toi / La Sulamite / Avant que le vent ne s’enflamme / Et n’arrache solives et racines / Des demeures qui mènent au chant / Filles de Jérusalem, je vous en conjure / N’attendez pas que les enfants empoignent les pierres / Et que le jus des figues fige la terre.  » Anne Rothschild ne s’en tient pas aux images et aux symboles bibliques ou solaires qui vivifient son chant, elle évoque aussi sans fard les ravages des chars, le mur de séparation qui dans le même temps qu’il s’érige semble ruiner toute chance de réconciliation :  » Enfant du silence et de l’exil / Je promène / Entre les nards et le henné / L’accès interdit de ma naissance / L’ombre des vergers cassée / Par la rage d’un mur / Du plus loin où tu ne cesses d’arriver / Jusqu’à ce seuil qui obstrue.  »
Comme pour conjurer  » l’impensable folie que nulle faim ne peut assouvir,  » l’auteur circule dans le temps et l’espace, de la Chine à l’Espagne, un fragment de chant d’amour sépharade rappelant peut-être les périodes dites de convivialité entre les populations juives et arabes du bassin méditerranéen. Mais la rupture de la chute ramène brutalement le lecteur au tragique présent :  » Bella Judia donde va / Tourne-toi afin que nous contemplions / Ta danse à deux temps / Une volute à deux camps.  » Le pessimisme est très lourd à porter, telle une malédiction fatale :  » Comme ils nous ont expulsés nous les avons expulsés…  » Mais une note d’espérance s’élève encore, mélopée de longue patience :  » Filles de Jérusalem, je vous en conjure, ne réveillez point l’amour avant qu’il le veuille // Il suffit de veiller aux portes / le temps de mener les choses vers leur juste nécessaire…  »
Le verbe charnel et la prosodie libre jouent de variations rythmiques et typographiques donnant une respiration ample, comme pour élargir la conscience du monde. L’auteur porte avec la blessure du doute les aspirations à un nouvel art de vivre ensemble à Jérusalem et en tous pays qu’annonce le rêve de la huppe,  » son rêve / qui monte,  » sous forme allégorique, tressant :  » Une couronne d’âmes / Sur le monde à venir.  »
L’inquiétude demeure et le recueil s’achève sur une métaphore aride de La Conférence des Oiseaux de Farîd Uddîn Attâr :  » La voie reste ouverte, mais il n’y a plus ni guide, ni voyageur.  » A méditer, sans œillères…
On se doit aussi de souligner la beauté de l’ouvrage élégamment mis en page et surtout magnifiquement illustré de dessins et de calligraphies par l’artiste algérien Rachid Koraïchi. Cette collaboration n’est-elle pas aussi un symbole de paix exemplaire ?

Ménaché
Europe, 2006

Le rêve de la huppe
Rothschild, Anne / Al Manar

Dans ce nouveau recueil de poèmes, Anne Rothschild veut faire entendre plusieurs voix : la huppe, le narrateur, la sulamite, l’amant et le choeur des filles de Jérusalem.  » Mon frère le cyprès / Qui a mille ans / Tourne pour mourir / La terre saignée à blanc / saignée à vif / N’a d’autre horizon / Qu’un champ de lances « 

Lettres belges de langue française
n° 141, fév.-mars 2006, « Le carnet et les instants »

Anne Rothschild et Rachid Koraïchi

Le Rêve de la huppe, Anne Rothschild, éd. Al Manar.

Pour une fois, le nom de l’illustrateur d’un recueil doit être mis sur le même plan que celui de l’auteur car Le Rêve de la huppe, écrit par la poétesse juive Anne Rothschild et illustré par le peintre d’origine algérienne Rachid Koraïchi, est une oeuvre symboliquement très forte qui peut être considérée comme un jalon marquant, tracé par deux artistes issus d’horizons opposés dans la voie de la paix. Ce recueil est d’autant plus significatif que la huppe, qui fut selon la légende à l’origine de la rencontre du roi Salomon et de la reine de Saba, est mentionnée dans le Midrash, la littérature homilétique rabbinique et dans le Coran. Mais c’est le Cantique des cantiques que la poétesse a choisi comme intertexte direct, comme le montre la répartition du texte entre cinq voix : la huppe, le narrateur, la Sulamite, l’amant et le choeur des filles de Jérusalem. Le chant d’amour biblique est transformé toutefois ici en élégies sur les horreurs du présent auxquelles l’auteure oppose des moments harmonieux du passé, rappelant ainsi aux  » captifs des générations du livre  » leur héritage commun, défiguré par la violence des humains. C’est cette communauté d’esprits qui fit de l’Andalousie un modèle de coexistence culturelle :  » L’Andalousie fut-elle là-bas /Jardin ou mirage / Miroir de notre histoire « . De ce passé l’écrivaine tire le fragile espoir de voir se restaurer la fraternité judéo-arabe :  » Ah si l’on pouvait mêler les sourates aux versets / broder les lettres carrées avec la dentelle des arabesques / que viennent enfin les songes chargés de présents « . Ce voeu a été exaucé par l’illustrateur Rachid Koraïchi qui a su mêler des symboles juifs comme l’étoile de David ou le rouleau de la Loi à des symboles islamiques : arabesques, croissant et dôme de la Mosquée de Jérusalem, par des illustrations sobres, constituées de lignes et courbes noires assez signifiantes. Néanmoins, cette symbiose souhaitée ne maintient nullement les deux artistes dans les rêves naïfs, car à aucun moment ils n’oublient la réalité tragique évoquée dans plusieurs textes de tonalité sombre et illustrés par des lances, des glaives et des bannières fanatiques, mais la collaboration d’un dessinateur arabe avec une poétesse juive est déjà en soi une lueur précieuse dans un ciel qui ne cesse d’être assombri.

Jacques Eladan
Le Mensuel littéraire et poétique, n° 345
(Bruxelles)

Caractéristiques

exemplaire

courant, de tête

isbn

2-913896-34-0

parution

Auteur

ROTHSCHILD Anne

Artiste

KORAÏCHI Rachid

Collection

Voix vives de la Méditerranée