Description
Voyelles et consonnes qui vibrent
D’entre lesquelles se lève le chant
Du coeur de l’homme et du monde
Plus doux que les caresses mêmes
Celui qui affole de loin les biches
Cette voix tendre de fraîche aurore
A laquelle répondent les oiseaux
« Jean Giono a été pour moi ce que Bobi est pour les personnagesde Que ma joie demeure, un professeur d’espérance. Tout au longde ma vie, j’ai porté en moi ce pays et ces hommes, comme un territoire où se réfugier en dernier recours.
Pénétrer dans ces contrées du romanesque, c’est être entraîné plus loin, plus profond, au plus vrai de la réalité et de soi-même. Restait alors à transcrire ces voyages intérieurs Pour saluer Giono et Dans les marges de ce palimpseste, à la lisière de ces territoires du cœur où trouver une certaine joie d’être. » J. V.
La critique
Sous l’étoile de Giono, de Jacques Viallebesset
par Matthieu Baumier, in « Recours au poème »
La poésie de Jacques Viallebesset est de celles dont nous affirmons qu’elle est « des profondeurs », poésie tendue vers l’étoile, toute en respiration, à chacun des instants du réel, entre le haut et le bas – et réciproquement. Par delà les voiles du réel, vers et par l’étoile, en même temps que sous son regard. C’est de voyage dont nous parlons ici, et quel voyage ! Oui, quel voyage que cette pérégrination superbement « illustrée » par le dessin de couverture de Diane de Bournazel : le poète / végétal flottant dans le vide des univers végétaux, entouré et cheminant vers l’étoile. Nous défendons la poésie de Jacques Viallebesset depuis le premier jour ou le premier recueil, et nous pensons que le poète est de ceux qui posent l’un de ces regards en recours (au Poème) dont le contemporain a aujourd’hui grand besoin. C’est de ce réel là, véritable poésie concrète, tant elle dévoile le réel du réel, dont nous avons véritablement besoin, et non des petits jeux de mots et autres tristes magouilles à la mode. La poésie est un état de l’être, pas du tourisme verbal. En poésie, on fait le Poème. Et l’on est fait par lui. C’est d’édification de l’être dont il s’agit. Le reste… du blabla. On se demande alors ce qui pousse Viallebesset à placer sa poésie sous « l’étoile de Giono » ? Car l’étoile, tout de même, ce n’est pas rien en termes de symbole ! Alors… Giono ? Le poète est un transparent qui cite Giono d’emblée, les choses sont alors fort claires :
« Si, quand tu seras un homme, tu connais ces deux choses : la poésie et la science d’éteindre les plaies, alors tu seras un homme » (Jean Giono).
N’est-ce pas ? Et ici, en Recours au Poème, comment ne pas être en accord avec cette vision des mondes, celle-là même que défend en sa poésie le poète Jacques Viallebesset ? Et comment ne pas penser à cette autre phrase, d’un très vieil homme/poète ayant traversé le siècle passé et ses horreurs, vieil homme pour lequel nous avons tant d’affection, n’en déplaise aux imbéciles illettrés qui paraissent se reproduire (étrangement) dans le milieu de la poésie : « Nous sommes tous nés de l’agonie de l’étoile. Des naufragés du temps et de l’espace. Et seul le verbe peut nous aider à retrouver l’éclat défunt de cette étoile ». Armand Gatti. Autre grand poète, autre grand bonhomme dont nous reparlerons bientôt du côté de Recours au Poème éditeurs, ce lieu où nous allons rééditer sa « poésie de l’étoile » (merci aux amis Faber, Gonot et Cantat) ; l’étoile, justement. Celle des anarchistes aristocrates : car toute anarchie est une aristocratie, un lieu de chevalerie, et seuls ceux qui ont oublié d’ouvrir un livre (numérique, papier ou sur peau de banane, peu importe) depuis des décennies peuvent ignorer cela. Il n’est pas de liberté sans état de l’être aristocratique. On lira « noblesse » quand nous écrivons « aristocratie », qu’importe… Ici, nous n’avons pas vocation à soigner des névroses. Il y a des lieux authentiques pour les révolutions, et ces lieux sont ceux de l’authentique poésie, des poètes authentiques. C’est pourquoi nous aimons l’étoile de Gatti autant que celles de Viallebesset et de Giono. L’étoile des poètes authentiques est simplement cette étoile qui vit en ces poètes, qu’on lui donne le nom d’âme ou de vie qu’importe ! Et qu’importent les petites conjectures et petits égos du quotidien devant la poésie et l’étoile ! Car, écrit Viallebesset en avant-dire :
« Adolescent, j’ai été fasciné par des reproductions de la série de tapisseries de Jean Lurçat, Le chant du monde, dénichées je ne sais où. C’était toute une cosmogonie fantastique, une véritable symphonie de l’univers, où la terre, le feu, l’air et l’eau dialoguaient avec les étoiles dans un chant de couleurs, où la vie tout entière vibrait de mille taches d’or et le titre, à lui seul, me transportait. Lorsque je découvris à la devanture d’un libraire un livre portant ce titre, je l’achetai aussitôt. J’ouvris les premières pages et je sus, tout de suite, que « le pays où l’on n’arrive jamais » existait, à portée de main et du regard. Il était là, dans ces pages à la langue drue, à l’écriture trempée dans la sève des arbres, dans les gouttes de rosée d’un brin d’herbe, peuplé de personnages forts, purs, pétris d’idéal. Je m’identifiai très vite à ces hommes vagabonds, saltimbanques et artistes qui arpentaient ce pays devenu mien. Jean Giono a été pour moi ce que Bobi est pour les personnages de Que ma joie demeure, un professeur d’espérance. Ses mots n’ont pas seulement structuré mon imaginaire, ils ont effectué en moi oeuvre alchimique en me transmutant. »
L’état de l’esprit poétique, cela se joue dans cet état de l’esprit là. Est-ce si compliqué à… comprendre ? Non, sans aucun doute : cela demande simplement d’être véritablement et non facticement ouvert à l’autre. Et cet état de l’esprit, eh bien !, cela donne ce poète là, que voulez vous :
J’aurais voulu être celui-là qui vient
Porteur d’une joie d’être à partager
Avec tous les humains qui saignent
De leurs rêves lourds d’espoirs blessés
Je porte en moi les sucs de la terre
La danse de flamme du sang au cœur
Ma poitrine se gonfle du vent des astres
J’halète de la sève de tout ce qui vibre
Frémit palpite et vit au rythme des saisons
Je voudrais être celui-là qui vient
Un arc-en-ciel doux dans les tempêtes
Un magma de joie monte de mon ventre
Je t’ai retrouvée et te tresse dans mes bras
Tes yeux font chanter toutes les sources
La joie est là bruissant dans ton feuillage
Bourgeon tendre gorgé de résine vivante
Tu es en moi comme le noyau dans son fruit
Ma joie ne demeurera que si elle est tienne.
Jacques Viallebesset, vous êtes des nôtres. Car vous êtes ce poète au corps empli de l’étoile, celle-là même qui agissait un Giono. Comme elle agissait un Char ou un Juarroz. Or, les étoiles dansent, nous le savons bien nous qui les regardons sans cesse, et les dessins de Diane de Bournazel le montrent assez. Eh bien… poètes et lecteurs de poèmes : entrons dans la danse de ce beau recueil !
Jacques Viallebesset, Sous l’étoile de Giono, Al Manar / Alain Gorius, accompagné de dessins de Diane de Bournazel, 44 pages, 2014, 15 euros
Sous l’étoile de Giono, Jacques Viallebesset
En prélude à son ouvrage Sous l’étoile de Giono, magnifique recueil de poèmes, accompagnés de très beaux dessins exécutés par Diane de Bournazel, Jacques Viallebesset, écrivain et poète, décrit, en termes succincts, sous l’intitulé « Avant-dire », l’effet catalytique généré en lui, consécutivement à sa rencontre avec l’univers de Giono :
[…] J’ouvris les premières pages et je sus, tout de suite, que « le pays où l’on n’arrive jamais » existait, à portée de main et du regard. […] Jean Giono a été pour moi ce que Bobi est pour les personnages de Que ma joie demeure un professeur d’espérance. Ses mots n’ont pas seulement structuré mon imaginaire, ils ont effectué en moi œuvre alchimique en me transmutant. […]
À cet avant-propos, à la fois hommage et témoignage de gratitude envers Giono et son œuvre, succède une série de quatorze poèmes numérotés intitulés Pour saluer Giono avec, en parallèle, quatorze autres poèmes eux aussi numérotés ayant pour libellé Dans la marge et juxtaposés de dessins.
Ces textes, tout en rondeur, tout en légèreté, tout en finesse, respirent l’œuvre de Giono, sa vision du monde et des hommes ; ils résonnent comme l’écho des valeurs humaines, simples et authentiques dont Giono s’était fait l’apôtre et auxquelles l’auteur invite l’homme à aspirer et à s’inspirer.
Dans la marge 4
La misère et la guerre à feu et à sang
Détruisent les hommes leur corps et leur âme
Ravageant les hautes futaies de nos cœurs
Faisant de notre monde une terre brûlée
Il n’est qu’une seule bataille qui vaille
Celle de l’amour et de la volonté
De garder vivante la flamme de l’être
Vivre et aimer sont les lueurs d’un seul feu
Où les braises des cœurs se raniment
Nos mains de feuilles entrelacées se chauffent
A la flamme bleue de tes yeux lumineux.
Ce credo en la vie et en l’amour, Jacques Viallebesset le décline au travers de chacun de ses textes, avec des teintes différentes, selon les saisons de la vie, les moments de l’existence et les lieux, sans oublier les mises en garde :
Pour saluer Giono 8
Je suis celui qui entre et parle de la vraie vie
Dans les villes cristallisent des intelligences mortes
Des lois de désespoir soumettent à la servitude
Te transforment en homme-robot incapable de sentir
Seulement de produire sans discernement
Il faut détruire la société bâtie sur l’argent
On te prive des seules vraies richesses de l’homme
Des vents, des arbres, des fleuves, des neiges, du soleil
[…]
Car la seule richesse de l’homme est dans son cœur
[…]
Au final, un très beau recueil où l’auteur n’a de cesse, au regard des valeurs de la société actuelle, de défendre et promouvoir à travers ses mots qui sonnent juste, son langage imagé, son amour de la nature et son sens aiguisé de la métaphore, un ensemble de valeurs profondément ancrées en l’être humain. Ces valeurs, il appartient à chacun de les découvrir ou les redécouvrir, et de faire en sorte de conduire sa vie à la lumière de ces sémaphores. Pour celles et ceux qui ne le connaîtraient pas encore,Sous l’étoile de Giono se lit avec plaisir et bonheur ! Quant aux dessins de Diane de Bournazel, ils se marient à merveille avec les textes qu’ils accompagnent. À découvrir…
Valérie Debieux
(La Cause littéraire)
Baglin, in Textures
Jacques Viallebesset : « Sous l’étoile de Giono »
Le Nouvel Athanor publie sous le titre « Jacques Viallebesset » une anthologie de ce poète né en 1949, devenu éditeur, qui fait volontiers référence à Giono, à Cadou, à Berimont, mais aussi au siècle des Lumières et à la Libre Pensée. Elle est préfacée par Jean-Luc Maxence et donne à entendre une poésie assez classique dans sa forme, mais proclamant « ce goût de vivre à tout craquer » qui chante « la saveur du monde », la femme aimée, la fraternité et l’amour. (Le Nouvel Athanor 2017. 116 pages. 15 euros)
Je retiens notamment dans ce recueil les extraits de « Sous l’étoile de Giono », recueil paru chez Al Manar, dont chaque poème est une évocation de l’œuvre du romancier de Manosque. On y retrouve le vieux qui « déparle » et tous les personnages, ainsi que les collines et les villages désertés de la trilogie de Pan. Le chant du regain, Jean Le Bleu dans l’atelier de son père cordonnier, mais aussi Le grand troupeau des hommes à la guerre, ou encore le professeur d’espérance de « Que ma joie demeure » qui « ensemença de pervenche les champs et les cœurs ».
Jacques Viallebesset rejoint ainsi Le chant du monde de Giono à travers de fortes évocations comme celle des personnages de ce formidable roman, « Un roi sans divertissement ». Et bien sûr l’humanisme et les valeurs – « la joie saine naturelle simple paisible » – de l’auteur des « Vraies richesses ».
(Editions Al Manar, octobre 2014, 44 pages, 15 €)