Voix sous les voix

18


Quatrième de couverture

Dix voix qui traversent le temps, voix de femmes, de femmes de failles, de poètes ou d’artistes.suicidées – qui rencontrent la voix d’Angèle Paoli. Un recueil d’une rare intensité.

Description

ALEJANDRA –

– Je parle avec la voix qui est derrière la voix et j’émets les sons magiques de la pleureuse

– Déchire le voile dit la voix.

Derrière il y a quelque chose qui me parlera avant que je meure.

Déchirer le voile !

Quelle révélation attendre sous

ce geste cent fois renouvelé et

cent fois aboli cent fois remis en

question ?

La mort lilas rôde elle rôde

 

Des voix traversent le temps, qui happent et habitent durablement celles et ceux qui les hantent. Ces traversées m’ont conduite à rassembler ces voix dans un même élan, fait de lectures et d’écriture. En elles est la raison d’être de cet ouvrage. Sa nécessité. Et in fine, celle de ce recueil. Une lignée de femmes, de femmes de failles. Détresse et angoisse. Ces voix plurielles s’entrecroisent qui rencontrent ma propre voix. Pour chacune d’elles, une écriture unique. Pour dénouement, la mort. Une mort violente choisie et assumée par chacune, artiste ou poète. Virginia Woolf, Marina Tsvetaïeva, Sylvia Plath, Ingrid Jonker, Unica Zürn, Alejandra Pizarnik, Anne Sexton, Francesca Woodman, Amelia Rosselli. Et Ingeborg Bachmann, dont l’interrogation demeure, sur l’énigme de sa mort. C’est avec elle que se clôt Voix sous les voix.

 

Accompagnement plastique : Marie Hercberg

 

 

LA CRITIQUE

 

Angèle PAOLI, Voix sous les voix, Al Manar, 2024, 64 p., 18 euros. Belles peintures de Marie HERCBERG.

Ce livre est non seulement un beau recueil de poésies et de peintures abstraites très colorées, il est également un hommage soutenu et fervent à l’écriture et au destin de plusieurs poètes et écrivaines, disparues suite à des suicides ou morts violentes.

Se glissant dans la peau de voix aimées, notre chère poète de Canari prend appui sur les textes des défuntes pour en donner une nouvelle lecture, grâce à sa voix personnelle, réussissant à renouveler son « je ».

Parler au nom des autres est un fameux défi que la poète remplit sans problème : sa voix épouse d’autres voix, celles de V. Woolf, de Marina Tsvetaïeva, de S. Plath, d’A. Pizarnik, d’Amelia Rosselli, d’I. Bachmann.

Il s’agit d’épouser aussi la douleur constante que ces écrivaines ont sans cesse ressentie lors de leurs parcours, souvent fulgurants : une vraie difficulté de vivre, avec soi, avec les autres, avec le tourment infernal du mal être dans un monde trop grand pour elles.

« Tu expulses de tes nuits des êtres

hybrides aux corps déformés »

(Unica Zürn, p.31)

« Je ne sais si je veux vivre ma vie en cajolant ma fêlure »

(Amalia Rosselli, p.52)

« Est-ce ta mort que tu vois dans ton

dialogue avec l’oiseau est-ce une vision

prémonitoire qui te dicte ces vers, incandescents ? »

(Ingeborg Bachmann, p.55)

Derrière notre voix, il y a toutes celles qui nous ont  généré, nourri ou inspiré, comme des aliments invisibles et prégnants ; Angèle Paoli,  en tissant sa voix à celles de textes aimés, permet au lecteur de relire avec émotion les œuvres citées (n’oublions pas de mentionner Ingrid Jonker, Anne Sexton, Francesca Woodman).

Ouvrage féministe dans l’âme, certes, éclairant enfin le parcours brisé d’auteures qui ont souffert et n’ont eu que l’écriture pour se sauver un peu. « Écrire contre », écrire pour témoigner des fêlures intenses des âmes.

Aux « cabossés de la vie » (Anne Sexton), la poète Paoli redonne une nouvelle chance, de décoder leur œuvre à l’aune des souffrances enregistrées.

Un livre sur une belle « lignée de femmes ».

Philippe Leuckx

Angèle Paoli est une poète française. Elle vit en Corse et a publié nombre de recueils. Citons : « Tramonti », « Lauzes », « Italies fabulae ».
Philippe Leuckx est un écrivain et poète belge. Son recueil « Le traceur d’aube » a obtenu le prix François Coppée de l’Académie française en 2024.

Angèle Paoli, Voix sous les voix par Michaël Bishop

 

Écrire sur le suicide, et celui de la femme, et même de dix femmes, poètes, souvent de grandes voix poétiques : une tàche difficile, délicate, à la fois très personnelle et richement emblématique, qu’Angèle Paoli a assumée avec sobriété, discrétion et ce sentiment de profonde pertinence ontologique qu’il fallait éprouver, authentiquement. Écrire sur la mort de ces femmes – Virginia Woolf, Marine Tsvétaïéva, Sylvia Plath, Ingrid Jonker, Unica Zürn, Alejandra Pizarnik, Ann Sexton, Francesca Woodman, Amelia Rosselli et Ingeborg Bachmann – c’est surtout honorer leurs vies, si distinctes les unes des autres, leurs défis et leurs accomplissements, c’est reprendre la plume du poïétique pour chanter les mouvantes, les complexes, les tantôt déchirantes, tantôt exaltantes voix de l’autre, de la femme, voix qui ont su, malgré tout, articuler les intrications et subtilités, les lourdeurs et les visions, passions, espoirs vécus dans l’intimité, le fatal secret intérieur de leur présence au monde. Et c’est honorer dignement cette immense dignité dont font preuve de telles vies, de telles luttes, de telles persistances créatives, de telles courageuses traversées existentielles, inséparablement tragiques et transcendantes.

Opter pour le récit de la mort, du suicide, comporte sans doute des risques et exige le genre de compassion, cette passion-avec-l’autre, sans se perdre soi-même, restée forte, élevée, elle-même transcendante, dont parle Manastabal dans Virgile, non de Monique Wittig. Une caresse de l’autre, certes, l’accompagnant, sage mais sans espoir de savoir résoudre l’énigme entretissée de l’angoisse et de la haute valeur de son dépassement, frôlant plutôt l’éprouvant puzzle de cette souffrance qui, comme le dit Deguy dans Fragment du cadastre, offre une connaissance de ‘ses propres profondeurs’.

L’élégie et l’éloge funèbre, l’ode et le panégyrique fusionnent partout dans les dix suites de Voix sous les voix. Sans rien de sentimental, sans aucun flagrant lyrisme. Deux proses, cascadantes mais compactées, denses, presque consciemment étouffantes, pour Virginia Woolf et Amelia Rosselli; mais ailleurs le vers libre domine, sans rime, la structure strophique variant spontanément et orchestrant sobrement mais avec intensité une narrativité qui privilégie l’urgence de la vie vécue, évitant abstraction et conceptualisation, le je flottant dans ses attributions, permettant citation et pénétration imaginative de la vie psychologique intime de l’autre. Parfois surgissent des répétitions, anaphores ou épizeuxes, souvent des noms de femmes, exprimés comme des soupirs, des insistances précises sans aucune élaboration supplémentaire; et puis il y a les questions qui sont pertinemment fréquentes et qui s’offrent rhétoriquement, sans possibilité de réponse stabilisable, suggérant l’indicible foncier de l’être et de son faire. Et n’oublions jamais l’impact des belles peintures de Marie Hercberg qui rythment l’écrit, mutiques blasons de l’indécodable, déployant leurs bleus et leurs noirs et parfois une blancheur à la fois lumineuse et ambiguë.

Au cœur de ce beau recueil d’Angèle Paoli règne la force de l’amour, de l’amitié, leurs beautés et leur insuffisance ou déception, le défi de ce sentiment de solitude qui peut menacer, paniquer, rendre folle, car posant sans cesse l’insondable qui suis-je qu’ont vécu simultanément quoique différemment Nadja et Breton. Car il y a une incompréhensibilité au sein de l’être-au-monde, celle de nos ‘ombres’, de cela en nous qui remonte loin, à l’enfance, à la mère, au père, qui peut pousser à l’insoumission ou à la violence, à ce nœud du corporel et du spirituel où luttent ensemble une grâce originelle et une impulsion vipérine, cruelle ou même autodestructrice. Quel rôle jouer dans ce théâtre d’ombres que vivent ces dix femmes, quand l’à quoi bon ne cesse de lever la tête là où peut sembler s’offrir la garantie d’un possible malgré tout, celui d’un poïein chaque jour là pour celles qui ont su en garder vivant à l’horizon de leur propre étance le si pénible et enfin tragique mirage ?

Le commentaire de sitaudis.fr

Peintures de Marie Hercberg.

Al Manar, 2024
64 p.
18 €


Voix sous les voix, Angèle Paoli (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx 30.08.24 dans La Une Livres, Les Livres, Al Manar, Recensions, Poésie

Voix sous les voix, Angèle Paoli, Al Manar éditions, juin 2024, belles peintures de Marie Hercberg, 64 pages, 18 €

Ecrivain(s): Angèle Paoli Edition: Al Manar

Voix sous les voix, Angèle Paoli (par Philippe Leuckx)

 

Ce livre est non seulement un beau recueil de poésies et de peintures abstraites très colorées, il est également un hommage soutenu et fervent à l’écriture et au destin de plusieurs poètes et écrivaines, disparues suite à des suicides ou morts violentes.

Se glissant dans la peau de voix aimées, notre chère poète de Canari prend appui sur les textes des défuntes pour en donner une nouvelle lecture, grâce à sa voix personnelle, réussissant à renouveler son « je ».

Parler au nom des autres est un fameux défi que la poète remplit sans problème : sa voix épouse d’autres voix, celles de V. Woolf, de Marina Tsvetaïeva, de S. Plath, d’A. Pizarnik, d’Amelia Rosselli, d’I. Bachmann.

Il s’agit d’épouser aussi la douleur constante que ces écrivaines ont sans cesse ressentie lors de leurs parcours, souvent fulgurants : une vraie difficulté de vivre, avec soi, avec les autres, avec le tourment infernal du mal être dans un monde trop grand pour elles.

« Tu expulses de tes nuits des êtres

hybrides aux corps déformés » (Unica Zürn, p.31)

« Je ne sais si je veux vivre ma vie en cajolant ma fêlure » (Amalia Rosselli, p.52)

« Est-ce ta mort que tu vois dans ton

dialogue avec l’oiseau est-ce une vision

prémonitoire qui te dicte ces vers, incandescents ? » (Ingeborg Bachmann, p.55)

Derrière notre voix, il y a toutes celles qui nous ont généré, nourri ou inspiré, comme des aliments invisibles et prégnants ; Angèle Paoli, en tissant sa voix à celles de textes aimés, permet au lecteur de relire avec émotion les œuvres citées (n’oublions pas de mentionner Ingrid Jonker, Anne Sexton, Francesca Woodman).

Ouvrage féministe dans l’âme, certes, éclairant enfin le parcours brisé d’auteures qui ont souffert et n’ont eu que l’écriture pour se sauver un peu. « Ecrire contre », écrire pour témoigner des fêlures intenses des âmes.

Aux « cabossés de la vie » (Anne Sexton), la poète Paoli redonne une nouvelle chance de décoder leur œuvre à l’aune des souffrances enregistrées.

Un livre sur une belle « lignée de femmes ».

 

Philippe Leuckx

 

Angèle Paoli est une poète française. Elle vit en Corse et a publié nombre de recueils. Citons : Tramonti ; Lauzes ; Italies fabulae.

A propos de l’écrivain

Angèle Paoli

Angèle Paoli

 

Née à Bastia, Angèle Paoli a enseigné pendant de nombreuses années la littérature française et l’italien. Elle vit actuellement dans un village du Cap Corse, où elle anime la revue de poésie & de critique, Terres de femmes, créée en 2004. Elle a publié une vingtaine d’ouvrages, mais aussi des poèmes et/ou des articles, notamment dans les revues Europe, Siècle 21, Nu(e), Diérèse, Thauma… Prix européen de la critique poétique francophone Aristote 2013. Poète invitée du 17e Festival « Voix de la Méditerranée » de Lodève (2014). Dernières publications : De l’autre côté (éditions du Petit Pois, 2013), La Montagne couronnée(éditions La Porte, 2014).

 

A propos du rédacteur

Caractéristiques

exemplaire

L'un des 500 ex de l'édition originale

format / papier

15 x 21 sur Bouffant édition

nombre de pages

64

parution

,

Auteur

PAOLI Angèle

Artiste

Hercberg Marie

Collection

Poésie