Regain du sang

A partir de 19


Accompagnement plastique : Hubert Damon

20 exemplaires tirés à part sur Vergé
au format 22 x 16 cm, rehaussés d’une aquarelle en frontispice de Hubert Damon

600 ex. sur Bouffant édition.

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Description

Le livre

Non l’éclat du sang versé, mais cette gaîté des venues au monde – regain, seconde clarté, celle qui vient après que la chair à travers les saisons a livré son premier élan, ses flambées éclairantes. Il surgit comme le dernier rayon qui, passant les cimes après l’orage, jette soudain la vallée en pleine lumière. Ce qu’il inaugure ici ou ailleurs, les mots peut-être s’en souviennent.

La terre brisée où je te retrouve – tes mains puisent à mon visage et j’ai cessé de mordre le vent dans tes cheveux – cette terre de sacre, de couleurs avides d’ombre tendre compte ses failles avant boire. Un peu de feu nous tient à distance. Des armes dorment près de nous qui ne sont pas les nôtres.

Soudain cette hâte à rompre les fruits sur l’étal au plus cru sous le ciel, et dans la pulpe la lumière fraye – nous sommes avec l’eau courante le sucre sur la peau, celui que la faim oublie, qui réveille les langues. Nous prendrons le chemin à l’heure où l’horizon vacille, avec ce goût d’orge dans le désert de nos gorges.


La critique

Le lyrisme d’Emmanuel Damon se distingue par l’abondance, l’austérité de son discours, qu’il soit versifié ou prose. Regain du sang, titre à valeur programmatique, exprimerait la visée de cette poésie : disons une intensification du vivant, par son exposition aux éléments, à la peinture, à l’amour. « A haute mesure », qui intitule la cinquième section, dirait l’exigence d’une parole qui entend parler un ton au-dessus, mais qui reste encore captive d’un lexique, d’une syntaxe, d’une rythmique où l’influence, voire l’emprise, de certaines grandes voix se fait constamment sentir. De même, quand il s’agit de dire la rencontre des corps. Il entre trop de convention dans ce discours amoureux. Ainsi, dans la section intitulée « Mon florilège ma dévorée » : « Ton souffle à mon souffle est fracas de rivière ». Dans l’énoncé métaphorique auquel le poème s’abandonne, rien n’émerge, ni ne résiste plus, à la lecture.

Christophe Mescolini, ccpM sept 2013, p. 217

 


Emmanuel Damon, Regain du sang

Regain du sang d’Emmanuel Damon est un recueil de poésie composé de neuf ensembles. Des proses de forme classique alternent avec des poèmes allant de cinq vers à trois pages, d’une facture plus contemporaine.
Le titre générique est extrait du premier ensemble Avant boire. Il sécrète de subtiles résonances entre ombres et lumières (« L’obscur de la chambre n’oublie rien du ciel ») avec le regain du monde où [on s’enchante d’une éclaircie].

Ce recueil est empreint tout du long d’une mystique inaugurale « d’avant naître », revisitée sur les chemins de la soif et de la faim. Les éléments premiers qui constituent le monde, sans cesse à l’épreuve de la langue peu sûre, fécondent le regain de l’être en son désir de gaieté puis de joie. Il s’agit d’une quête exigeante où intériorité et extériorité travaillent voire fatiguent les failles de l’écriture. « Nous avons perdu le sens de nos phrases », écrit Emmanuel Damon dès son premier texte. Plus loin, [notre langue immobile éteint les mots dans nos gorges]. « Esseulée » ou non, traversée de lassitudes ontologiques, elle n’en fait pas moins mouvement vers les paysages dans tous ses états, ceux d’ici ou de l’autre côté des mers, à l’ombre de « bois-mourir ».

Les clameurs minérales du sable et de l’argile, du charbon et du granit, tour à tour fragiles et puissantes, disent avec la « clameur végétale » de l’orge ou du peuplier la patience venue de l’impatience, la tentation de l’ascétisme après la prodigalité.

L’écriture d’Emmanuel Damon, en ses longs déplis comme en ses pointes sèches, fait parfois écho au symbolisme élémentaire de Saint-John Perse, avec des accents oratoires. Quelles prières seront finalement exaucées dans le tumulte des saisons ? Les mots en garderont-ils seulement le moindre souvenir ?

Extraits :

Non pas l’orage

Mais ce feulement dans l’air

Qui tinte et sonne sur les tuiles

Rien qu’on ignore quand le ciel prend souffle

Et d’un coup dont l’écho dans les sapins s’embrase

N’est plus que pluie cette eau chantée

Qui porte joie au sol amer aux ronces

A la route plus sombre

Aux flaques sevrées de boire

Le merle la mésange dans le bois de lauriers

Où denses les feuilles sont un toit de passage

Rendent grâce au ciel brisé vivant soudain

De n’être plus acier éblouissement

Poussière

*

Quand la faim brûle

Sans autre charbon que le feu ce sang tari

On ne sait où commence le silence de quel bois

Est cette étreinte qui saisit les os et nous tient

Sans vêtement sans armes sous le linteau de chêne pur

Tandis que l’horizon s’accroît

*

Eparpille la tempête, glane le fer au-dedans et la soie des livres, et la soie du ventre pour parler bas aux saisons : ta patience sera merveilleuse. Ailleurs les mots tarissent, la mer est immobile, le vent ne tinte que de paroles anciennes. On laissera le garde-manger ouvert, fenêtre de pain chaud pour le jour qui tarde à donner sa mesure.

Regain du sang d’Emmanuel Damon est publié aux éditions Al Manar avec des gravures signées Hubert Damon. Son prix de 19 € est justifié par la belle qualité de l’ouvrage.

Dominique Boudou, septembre 2021

https://dominique-boudou.blogspot.com


Caractéristiques

exemplaire

courant, de tête

isbn

979-10-90836-09-9

parution

Auteur

DAMON Emmanuel

Artiste

DAMON Hubert

Collection

Poésie