Description
Recueil des poèmes consacrés par A. Laâbi à la célébration des oeuvres d’art et des objets qui l’accompagnent chaque jour et auxquels va sa tendresse. Chaque poème est accompagné de la reproduction (NB ou quadri) de l’œuvre ou de l’objet qui l’a inspiré. Les objets ont été dessinés par le peintre marocain Abdallah Sadouk ; les œuvres, photographiées.
Chaque page (ou double page) contient donc un texte, et une illustration. Chacun des 18 exemplaires du tirage de tête est truffé de l’une des aquarelles de Sadouk reproduites dans l’ouvrage.
Petit musée portatif, ex de tête n° IX
Petit musée portatif, ex de tête n° XVIII
Petit musée portatif, ex de tête n° VII
Belle brune
Cascade un peu figée de ses hanches
Arcades tremblées de ses cuisses
Octogonale à souhait
Meubler n’est pas son fort
Elle se tient donc à l’écart
La critique
Avant-dire “Les objets élus jalonnent une vie de partage. Ensemble, ils ont traversé les épreuves, connu les mêmes errances, voyagé de concert. Le Petit Musée Portatif porte le signe de cette intimité tendre. Au cours des années, il a fini par constituer l’essence de “la Maison’’, ce berceau de l’Etre dont Bachelard a souligné la féminité profonde. Il apaise et éclaire, parce qu’il parle de la terre d’origine avec bonheur, assurant le lien indispensable avec le « d’où je viens ». Il jette des ponts, tisse des résonances inattendues entre l’ici et l’ailleurs, entre légèreté et gravité. Sans lui, l’écart consenti serait peut-être écartelant. Ainsi le Moucharabieh est-il le pivot central de la demeure, celui dont il faut d’abord trouver la place, à chaque nouvelle installation. Autour de lui les autres objets viendront s’ordonner avec naturel. Et il rayonne d’autant plus qu’il est « déplacé ». Sous le climat d’Île de France, sans doute détient-il une fonction solaire. Il en va de même pour les petites tables au fort parfum d’orient, les étagères aux motifs floraux ou géométriques selon la ville d’origine, Rabat ou Tétouan, les broderies des femmes de Fès, les calligraphies traditionnelles de Tunis… Abdellatif Laâbi n’a cure de la frontière entre artisan et artiste. Le rebelle, l’insoumis salue et élève au rang d’oeuvre d’art un encrier de terre cuite, un coussin, une chaise ancienne, objets que nul ne songeait à célébrer, dans les années soixante, sous la poussée aveuglante du “modernisme” obligé. Musée ! Cela sonne avec quelque solennité ! Il en faut pour dire la profondeur humaine tissée, cachée, magiquement retenue dans la matière… Mais déjà la joyeuse capacité d’humour de Laâbi ramène les choses à leur juste dimension : Portatif ! Autant dire à usage exclusivement personnel. Portatif et réduit comme la maison errante – théière, coffre, tapis déroulé chaque soir sous la tente – du bédouin du désert d’autrefois, nomadisant à travers sables. Françoise Ascal Le Petit Musée portatif d’Abdellatif Laâbi Trouvant, au centre de ce musée, les portraits de la mère et du père, le visiteur est invité à accomplir ce parcours comme une autobiographie poétique, dans laquelle les choses et les signes forment autant de jalons dans le temps d’une vie et dans l’espace dessiné par l’exil. Recueil de poèmes donc, mais aussi album de photos de famille, galerie privée, mémento, florilège. Mais, de l’hétérogénéité du fonds, ce qui ressort c’est l’unité des thèmes, le jeu des correspondances, des séries, des parallélismes, des rappels, des motifs : bref, la cohérence d’un univers. A petites touches, Laâbi énonce un art poétique qui a trait à l’oubli et à la mémoire et au rapport entre les images et les textes. Dans le Petit musée portatif d’Abdellatif Laâbi, « les convives / s’arrêtent parfois / et trouvent que cela est beau / Cela / quoi ? » Les arbres de Laura Rosano et de Saladi, les choses et les mots. Antoine Hatzenberger A propos de Petit Musée portatif Le Musée portatif est un recueil de poésie de Abdelatif Laâbi illustré par le peintre Abdellah Sadouk. Les poèmes sont tendrement espiègles, les illustrations légères. On saura tout de l’intérieur de la maison du poète après la lecture de son musée portatif. L’expérience force l’attention. Le poète ouvre son espace intime à ses lecteurs. Il expose aux regards de tous les objets qui comptent le plus à ses yeux. Des œuvres d’art évidemment, mais également des objets divers auxquels il accorde une valeur sentimentale. Il a intitulé son recueil de poésie Petit Musée portatif. L’expression est modeste, affectueuse, sans prétention, plaisante, pour inviter les lecteurs à parcourir sans façon la géographie artistique de prédilection du poète. Abdallah Sadouk a mis son art au service du peintre lorsqu’il s’agit d’encrier, d’étriers, d’un bonhomme chinois, d’un coussin brodé, d’une étagère ou d’une table. Il a transformé en aquarelles très légères ces pièces. Aujourd’hui le Maroc, n° 247, 25-27 octobre 2002
Première présentation de Petit musée portatif, à Paris L’Hôte généreux À » celui qui décidément ne prend pas racine « , au poète en exil permanent qu’est Abdellatif Laâbi, Françoise Ascal a demandé de livrer les objets qui composent son espace intérieur. La demande est belle, émouvante ; elle répond au don permanent qu’est l’œuvre du Marocain. Elle donnera naissance, surtout, à un livre magnifique rehaussé des dessins d’Abdallah Sadouk. Laâbi y a répondu en choisissant des objets souvent modestes, détenteurs d’une mémoire familiale, d’une douleur parfois, d’une humilité toujours. Le choix fait, Abdallah Sadouk est venu chez le poète dessiner entre autres, une chaise de circoncis « Acquise/ plutôt cédée à dix dirhams/ avant l’arrivée/ du marché de l’art », une table syrienne, un encrier, une table carrée aux tiroirs secrets : » Dans les années noires/ elle a celé/ des documents compromettants » mais aujourd’hui elle ne sert qu’à ranger les objets usuels et » Elle doit vivre cela/ comme une déchéance « . Les dessins donnent une épaisseur floue aux objets, comme s’ils venaient apparaître à peine à la surface de la mémoire. Abdellatif Laâbi a proposé également des peintures et des œuvres d’amis artistes, reproduits ici par le biais des photos de Laydi Maroufi. Ce que l’on voit alors est invisible : il s’agit d’histoires d’amitié, de respect qui viennent tisser souvent l’Histoire douloureuse du siècle. Deux photos bouleversent particulièrement : celle de la mère d’abord, au regard retenu de colère, celle du père, ensuite, concentré sur sa dignité. Elles bouleversent d’autant plus que chaque objet, chaque tableau et chaque photo sont commentés, en vers, par le poète. Et ce qu’il dit de la mère, associé à son regard perdu, fait lever, bien plus qu’une histoire personnelle, l’histoire de tout un peuple. Sans quitter pour autant l’intimité de la confidence. Par son humour, posé délicatement sur des blessures ou de la colère, Laâbi a l’extrême élégance de ne pas faire de nous des voyeurs. Il s’agit ici de partage et le livre, d’une qualité rare, dit bien à quelle hauteur de sentiment se fait celui-ci. L’Autre fait notre richesse. T . G. |