Description
Ce nouveau recueil de textes anciens profondément remaniés (bilingue arabe-français, traduction I. Lagny / Al Hamdani) est accompagné par Ghassan Laidi.
Cette poésie est celle d’un homme, d’un esprit libres. Elle est ici servie par le dessin, la peinture d’un artiste dont la figuration onirique sait dire la tragédie d’un pays, d’une région détruits par la guerre.
Un jour hors calendrier
Pour
tout
corps
une tombe
et
pour
les tyrans
tous
les
cimetières.
L’Étranger
Du balcon de la vieillesse
on voit
à chaque arrivée de la pluie
un homme de nuages
enchaîné aux saisons qui pleurent.
Un jour je viendrai
comme une averse
je suis une nuée d’alouettes
qui se posent sur le toit de votre maison.
Ne soyez pas avare, ouvrez la fenêtre.
Car dans les hauteurs de l’aube,
je vous conterai le drame de l’exil,
puis,
je mangerai mes ailes pour ne plus voler.
1er regard
Mes enfants,
n’oublions jamais qu’entre le massacre
et la folie de l’illusion
il y eut une ligne de tombes.
Et qu’à présent
entre fidélité
et trahison
les années s’amassent dans le hurlement du vent
sur la colline de l’isolement.
Tiré à part, sur Arches : 20 ex uniques, rehaussés chacun de 3 peintures originales de Ghassan Faidi :
ex 5/20, frontispice
ex 19/20, peinture centrale
ex 5/20, peinture centrale
LA CRITIQUE
L’arrogance des jours, par Jacques Morin, revue Décharge
Le livre est impressionnant. Un bon 200 pages, moitié poèmes arabes (Irak), traduits par l’auteur (avec Isabelle Lagny) pour l’autre moitié, des dessins de Ghassan Faidi que j’ai du mal à qualifier : médiévaux, bibliques !, religieux, symboliques… en tout cas qui apportent beaucoup à la publication et surtout, bien sûr, les poèmes de Salah Al Hamdani.
Le livre est composé en 5 parties. La première chose que l’on retient, c’est l’ordre des poèmes dont les titres se succèdent de façon croissante : le premier homme, le deuxième homme, et ceci jusqu’au vingt et unième... pour la première partie ; le premier jour jusqu’au onzième pour la seconde, avec un poème en plus chaque fois l’Irakien, ici et l’Étranger là ; 1er regard au 12ème avec le seul poème en prose pour la suivante… Ces trois mots finalement caractérisent le fond de la poésie du poète : hommes, amis, ennemis, assassins… jours, le temps d’avant l’exil, depuis l’exil comme une nouvelle naissance à soi-même… regards, liens entre les hommes, les souvenirs et les années jalons.
Chaque poème peut courir sur quelques vers ou plusieurs pages. On est dans une poésie orientale dans le sens où les images sont décalées, différentes, avec des renversements inouïs : vous aviez même égorgé le couteau ou bien Mon bras est dans ma bouche / jusqu’à l’épaule… Comparaison, répétitions, questions, invocations… le style, relativement classique, est bien présent mais au service de métaphores inédites qui se raboutent ensemble : Il n’y a plus qu’un musicien gracile / dont les doigts font gicler / des nuées d’hommes sans ailes / perdus dans une forêt de chiens. Images la plupart du temps rêches, sanglantes, cruelles à l’instar de la situation du poète au sein de son pays, avant son exil en France, qui transparaissent dans les mots récurrents comme tombes, cimetières ou valises.
Une vie coupée en deux avec l’horreur qui colle à la mémoire entre guerre et torture et la paix retrouvée loin des racines de terre et de sang …le soleil se lève soudain dans un verre rempli d’amertume… Un recueil fort qui pose toute la problématique de vie d’un poète d’origine irakienne aujourd’hui.
J. Morin, Décharge, février 2020