Fragments d’eau


Vingt exemplaires de tête sur Vélin d’Arches
rehaussés, chacun, de six aquarelles originales de Sakher Farzat ;

1.000 exemplaires sur Bouffant édition.
96 p. format 22 x 16

Ouvrage publié avec le soutien du Centre National du Livre

Épuisé.

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Description

La critique

Dés sur le carré de la terre

La vie sur les rives et les lisières, au commencement et au terme, quand l’invisible se révèle et ne tarde pas à s’évanouir : tels sont les confins d’où la poésie de Aïcha Arnaout tire son inspiration et s’aventure dans l’espoir d’en ramener quelque lueur qui lèverait un peu le voile sur l’inconnu. Elle le fait comme si elle était une « fleur sauvage » frémissant au gré du vent. Une poésie hantée par la quête de l’essentiel sans être sure de sa capacité à savoir vraiment où s’arrête la frontière de la découverte, du hasard et de l’absurde, et où commence celle du sens. Comme si elle n’était que de simples dés que la poétesse lancerait sur le carré de la terre. Et quand nous la lisons, nous avons comme la sensation de fouler le tertre de la parole dans un désert d’angoisse et de perplexité. Chaque fois que nous croyons voir de l’eau miroiter au lointain et nous en approcher, la distance nous surprend et approfondit en nous cette angoisse et cette perplexité. C’est une poésie qui habite le monde des naissances et révèle la secrète correspondance entre la vie et la mort. Elle se lève et marche dans ce théâtre obscur qui s’étend entre le commencement et la fin. Elle nomadise entre les deux extrêmes, à l’image d’un oiseau qui semble ouvrir ses ailes pour la dernière fois.

Dans sa quête de l’essentiel, cette poésie ne décrit pas le monde existant ni ne s’attarde à ses détails. La voix n’est pas celle de la lamentation, de la diatribe ou de l’éloge. Il n’y a pas d’un côté les pleurs et de l’autre l’allégresse. Pas d’espoir ni de désespoir non plus. Une voix unique tel le parfum, pudique, délicate, austère. La langue est sans prétention. Elle ne cherche pas à changer le monde pour en construire un nouveau sur ses décombres et se contente de regarder à la dérobée ce qui a disparu et ce qui ne peut pas être encore. Elle semble s’interroger subrepticement : pourquoi d’aucuns s’obstinent-ils à vouloir rendre sa jeunesse au monde ? N’est-ce pas plus simple et plus singulier en même temps que de vivre, penser, écrire, comme si nous ne faisions en cela qu’insuffler l’enfance en toute chose et pour toute chose ? Pas d’événements, mais des allusions et des signes, et si d’aventure événement ou chose vue il y a, ce ne sont qu’indices de l’avant ou de l’après. Il n’y a pas de construction, mais des traits fins et des épaisseurs transparentes. C’est ainsi que « l’ombre a le dernier mot », selon l’expression de l’ami disparu, le grand poète Roberto Juarros. Voilà ce que nous lisons à la clarté de la poésie de Aïcha Arnaout. En nous donnant à voir du monde ce balancement au bord d’un certain gouffre, elle nous rappelle que la vie est un moment fugace, une pénible incertitude, cet or cosmique qui se meut sur deux pieds d’argile. Elle nous rappelle aussi que la vie exige, puisque nous la vivons, des actes exceptionnels comme en exige l’amour. C’est ainsi que cette poésie ne cesse de s’interroger sur les contrées secrètes de l’avènement en instance et de l’absence, sur le non-advenu et son attente, sur ce qui est menacé en permanence, indécis, relié à l’absence. En cela elle élargit l’horizon des sentiments et de la vision, précède le temps et se penchesur les tourments de l’anticipation, en recueille les traces perdues. Dans sa nostalgie non déclarée d’une masculinité authentiquement amoureuse, elle est hantée par la fondation d’une féminité cosmique, annonçant ce qui se conçoit dans l’inconnu, une féminité à son tour fondatrice d’un amour semblable à une rencontre dans l’exil et l’étrangeté, à un périple libre au-delà des fins.

Oui, sous cette voûte du questionnement, de l’angoisse et de la perplexité, il me plaît de dire de la poésie de Aïcha Arnaout qu’elle est celle du recueillement et du cheminement permanent vers le mystère.

Adonis

 

L’une des nombreuses peintures de S. Farzat rehaussant l’un des ex du tirage de tête

Fragments d’eau

Ce recueil, par ailleurs magnifiquement mis en page et laissé aux soins d’un imprimeur typographique, a été établi à partir d’une traduction d’Abdellatif Laâbi, depuis l’arabe de Syrie. La poésie d’Aïcha Arnaout relève d’une écriture en suspens, où toute ponctuation finale est bannie, et oscillant toujours entre deux pôles, concret et abstrait, espoir et désespoir, visible et invisible, amour et abandon, vie et mort, etc., sans qu’il ne semble jamais possible de s’attarder sur l’un ou l’autre.

Ce procédé génère des images à première vue contradictoires, voire quasi fantastiques, et place le poète dans un entre-deux inaccessible. Sa prise de position engagée – engagement politique autant qu’amoureux – situe Aïcha Arnaout hors de portée de la défaite :
 » Je n’ai peur ni de la mort ni de la douleur car le bonheur ne se trouve ni dans l’extinction ni dans l’éclosion de la vie « .

Aurélie Soulatges
Cahier Critique de Poésie n° 9, p. 148, Marseille, 2005

Un autre des originaux de Farzat rehaussant le tirage de tête

Caractéristiques

exemplaire

courant, de tête

isbn

2-913896-20-0

parution

format / papier

Bouffant édition, 22/16 cm

Auteur

ARNAOUT Aïcha

Artiste

FARZAT Sakher

Collection

Bibliophilie

Méditerranées

Poésie