Description
Sète, soirée d’ouverture du Festival de Poésie, 22 juillet 2016 dans les Jardins du Château d’Eau : Ashur Etwebi, un poète lybien, dit en arabe un de ses poèmes, suit sa traduction en français, qui retient aussitôt mon attention.
Cette voix s’imposera comme l’une de ces « Voix vives » de la Méditerranée, que nous offre chaque année le Festival.
L’auteur, né à Tripoli en 1952, est médecin, romancier et poète, auteur de neufs recueils de poésie. Il a traduit en arabe plusieurs poètes américains, canadiens et lithuaniens et compte parmi les poètes les plus renommés de Lybie, nous dit la quatrième de couverture de ce recueil, Un jet de pierre, paru en version bilingue, arabe – français, aux éditions Al Manar à l’occasion du Festival Voies Vives de Méditerranée en Méditerranée, 2016.
Contraint à l’exil en 2015, après l’attaque et la confiscation de sa maison à Tripoli, il vit désormais à Trondheim en Norvège.
Bibliographie :
Ashur Etwebi, Un jet de pierre, Al Manar, 2016
sur internet :
http://jmdinh.net/objet/ashur-etwebi
Roselyne Fritel
https://lintula94.blogspot.com
MARS 30, 2017
Ashur Etwebi : Un jet de pierre
PAR SÉBASTIEN HOËT
« J’écris mes poèmes avec une vieille pierre » (p. 37). Ashur Etwebi est un poète libanais, contraint à l’exil en Norvège depuis 2015. Il écrit en effet ses poèmes avec une vieille pierre, non pas une plume ou un stylo, encore moins un clavier d’ordinateur, et dans une langue immémoriale, richement métaphorique, comme nous n’osons plus en pratiquer ou en parler aujourd’hui en France – où règne l’universelle dénégation des pouvoirs de la métaphore : « Le mystère est pluie / L’imagination est couverture / Les assassinés sont sel » (p. 19). Avec Etwebi nous parcourons un pays ancien, où la nature est aussi présente, insistante, que l’est l’homme : « Au bout d’une fragile après-midi / Une mer immense / Des arbres évidés / Un papillon, une tombe » (p. 7), c’est un Liban minéral qui s’étend ici, où la nature et l’homme poursuivent parallèlement leur existence, une existence à jamais blessée par la guerre et ce qu’Etwebi appelle la terreur. On entend le silence, dans ces poèmes et entre eux, le pas des hommes armés dans les rues désertes aux maisons closes, et on s’étonne que la vie survive, que le désir persiste malgré tout : « Enroule le désir des filles autour de ton poignet / Hennis comme un pur-sang » (p. 27). Les « haïkus de guerre » qui achèvent le recueil montrent magnifiquement cette poignante conjonction de la vie et de la mort.