Tombeau pour sept frères

A partir de 16


10 ex de tête et 4 ex de chapelle,
l’ensemble typographié sur vélin d’Arches par François Huin,
rehaussé par Hassan Massoudy d’une calligraphie originale
peinte par l’artiste.

600 exemplaires typographiés sur Bouffant édition
66 pp. au format 24 x 16,5 cm.

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Description

Et Masilia dit

– témoins pourchassés de la vérité auxquels l’autre monde
offrait un refuge comme dans un éblouissement
nous avons franchi le seuil de la caverne au sein noir
et avons été avalés par une épaisseur
où se noyèrent nos corps d’hier
peut-être faisait-il encore jour dans le dehors du monde
peut-être faisait-il déjà nuit mais ici la nuit
au jour se mêlait et le jour à la nuit se mêlait
(…)


La critique

Tombeau pour sept frères, de Amina Saïd
Les Sept Dormants : «Entre le visible et l’invisible»
Par Cécile OUMHANI


Gens de la Caverne, les Ahl el Kahf de la 18e sourate du Coran où Sept Dormants d’Éphèse, persécutés par Dèce en 250 après J.-C., sont évoqués lors d’un pèlerinage réunissant chrétiens et musulmans qui fut initié en Bretagne au début des années 1950 par Louis Massignon.
On retrouve leur trace jusqu’en Finlande et en Chine, si grande a été la fascination suscitée par l’histoire de ces Jeunes Dormants, tirés de leur sommeil dans leur caverne après 309 années lunaires, dont Jacques de Voragine raconte qu’un maçon les découvrit en 418 après J.-C.
Avec Tombeau pour sept frères, Amina Saïd rend hommage aux Sept Dormants en choisissant une forme poétique qui prend ici un écho tout particulier. Si le tombeau poétique est un hommage traversé par une dialectique de l’absence et de la présence, destiner un tombeau aux Sept Dormants emmurés dans leur caverne, c’est aussi transmuer le lieu de leur réclusion en poème. Loin de la clameur d’un monde voué à la finitude, la poétesse restitue la trajectoire d’une quête symbolique et interpelle les habitants de la cité terrestre d’aujourd’hui, les invitant à interroger en eux l’énigme de toute chose. La caverne est ainsi érigée en lieu poétique, en refuge pour la méditation. Le poème devient la caverne des Sept Dormants, incarnant le lieu de leur parole. «Une nuit, nous nous glissâmes hors de la cité terrestre/fuyant la persécution, la mort et l’étroite prison du temps». Et le lecteur de fuir lui aussi, avec ce premier dit de Masilya, sa prison moderne vers une autre perception du monde et des choses en découvrant les huit voix qui se succèdent dans ce livre. Car huit voix parlent les unes après les autres, usant toutes d’un même pluriel, scandant un «nous» empreint d’une universalité qui transcende temps et espace.

La caverne pour méditer

Au-delà des couleurs du monde, leurs regards se préparent à une autre dimension de l’être et du monde : «. Les étoiles de cieux plus lumineux/que nos cieux scintilleront derrière nos paupières de chair». Car c’est l’intériorité à laquelle nous invite ce tombeau, celle où s’estompe toute séparation. C’est à la recherche de cet envers des choses que nous convient les Sept Dormants, un envers baigné d’une autre lumière, dont les parois sont précieuses comme la pierre philosophale ou la montagne du Qâf. Maksilmina évoque ainsi ce dont s’éclaira pour eux l’intérieur de la caverne : «Les éboulis ébauchaient les
nuages d’un ciel nouveau/les récifs contournés de rivages vierges/ des reflets d’astres frémissaient sur d’imaginaires étendues d’eau». Nombre d’images de
miroir et de reflet rappellent constamment le lecteur vers un prisme où il ne se sent pas étranger mais est au contraire invité à chercher, toujours plus loin.
Amina Saïd inscrit les voix des sept frères et leurs visions dans l’intemporalité de ce qui relève aussi du paysage dépouillé et envoûtant de
l’icône appelant à la méditation et la présence aux subtiles nuances des choses. Le poème ainsi porté hors du temps interpelle plus puissamment encore le
lecteur. Si la peinture des icônes était proche de la méditation dont elles devenaient ensuite l’objet, sans doute en est-il ainsi pour le poème ?
Des calligraphies de Hassan Massoudy ponctuent le livre avec de très belles variations sur l’ombre et la lumière, «entre le visible et l’invisible».

C. Oumhani
La Presse,Tunis, 27/10/08


Quelques commentaires sur l’œuvre d’Amina Saïd

 » Tombeau pour sept frères est un texte de très haute volée et un beau livre. Renouant avec un genre ancien, apparenté à l’épos légendaire, ce long poème est porté par une langue très pure où les accents lyriques ne brisent jamais le mouvement d’une fascinante méditation métaphysique. Il m’est arrivé plus d’une fois d’avoir envie de dire le texte à haute voix.  » Max Genève

 » Une dialectique constante des complémentarités et des séparations hante cette poésie, dont l’une des composantes est l’attachement inquiet aux deux rives de la Méditerranée. L’errance est une origine et un destin. Prise de vertige, la parole funambule oscille sur le fil des mots. La double appartenance légitime la quête du lieu, comme elle génère la prolifération du double et des oppositions. Cette poésie, toute d’alliances et de métamorphoses, acquiert une dimension cosmique tant l’être y est en symbiose avec les éléments. […] Une parole intense, dictée par l’absolue nécessité, une œuvre mouvante et émouvante qui atteint à l’universel.  » Ghislain Ripault

 » Il faut croire Amina Saïd sur parole. Elle est l’enfant du verbe labouré par l’insondable mystère des choses, la complexité des astres, la faille entre le désir et la vécu, la tentation du silence. Elle se bâtit un corps avec la chaux vive des illuminations. Mise à nu, mise à mort, mais aussi naissance au plus profond du ventre maritime de la parole, mordue par la terreur et l’extase.  » André Laude

 » Ce poète interroge la place de l’être au monde à partir des profondeurs cosmiques qui l’entourent. […] Une telle parole cherche à nous ramener vers la symbiose du vertige créateur.  » David Cantin (Le Devoir, Montréal)

 » Amina Saïd écrit à mi-voix un hymne empreint de la résolution et de la mélancolie antiques, allant sans faillir sur un « sentier de lumière ».  » Claude Michel Cluny (Lire, Paris)

 » Une indépendance ombrageuse caractérise cette poésie. Le souci d’une intégrité également. Un verbe concis et sobre, travaillé par autant d’exigence que de permanente inquiétude, nous entraîne toujours plus loin vers le gouffre innommé de notre intériorité…  » Tahar Djaout (Algérie-Actualité)

 » Entre extase et philosophie, [Amina Saïd] a sa rigueur propre.  » Alain Bosquet (Le Figaro, Paris)

 » Amina Saïd a le secret de conduire son lecteur à la lisière d’un monde où les mots se transforment en perles de lumière, car il s’agit là d’un voyage initiatique…  » (Le Temps, Tunis)

 » Pur, sobre, limpide, le verbe d’Amina Saïd est de ceux qui confèrent aux lettres françaises du Maghreb leur importance.  » (Libération, Paris)

 » De grandes constantes traversent cette poésie : une voix parle de l’intérieur…  » (Sindbad, Maroc)

 » Une clarté apparaît au fil des pages, lumière d’un partage qui est une opération physique de la générosité, une incarnation des phrases en acte de sens.  » (Esprit, Paris)

 » Une poésie juste qui ne se contente pas de paraphraser la vie. Elle est la vie… «  Le Renouveau (Tunis)


Travaux académiques sur la poésie d’Amina Saïd

– Convergences et fractures de deux mondes : l’Orient et l’Occident chez Amina Saïd, par Grazia Rita Salonna (université de Bari, Italie, 1995)
– Du berceau méditerranéen à l’esthétique de l’hybridation, le cas d’Amina Saïd et de Chams Nadir, par Ilaria Bruno (université de Bologne et université Lumière-Lyon 2, 2008)
– Le Paysage dans l’œuvre d’Amina Saïd, par Ines Moatamri (université François Rabelais, Tours, 2008).

Peintures
Et le jour se fait femme, 27 tableaux du peintre Nichole Ouellette (Québec) à partir d’extraits de Sables funambules (exposition salle J. A.-Thompson, Trois-Rivières, Québec, 1er octobre-1er novembre 1993).

Poèmes mis en musique
Sous le titre Le Livre de sable, le pianiste et compositeur Thierry Machuel a choisi un ensemble de poèmes d’Amina Saïd pour le chœur de chambre mixte Mikrokosmos, vidéo d’Antonella Bussanich (création : Cité de la musique, Paris, 2003).
Raphaël Terreau, compositeur, a mis en musique deux poèmes pour Alphabet des nuages (CD, Vocations Records, 2007).


Amina Saïd, Tombeau pour sept frères

Rehaussé de magnifiques calligraphies d’Hassan Massoudy, ce récit est une variation sur le thème des sept dormants, dont la littérature arabe classique et moderne a fourni maintes versions. A la fois conte, légende, récit mythologique, initiatique, métaphysique, c’est avant tout une aventure poétique. Huit récits en vers (les sept frères et un soldat) racontent l’histoire de ces hommes qui, « préférant la liberté à la tyrannie », sont obligés de fuir le monde et se réfugient dans une grotte. Là, dans l’obscurité ambiguë d’une lumière inconnue, ils s’endorment, rêvent le même rêve, croient se réveiller le lendemain et redescendent dans la vallée où ils s’aperçoivent que trois cents ans ont passé sans altérer leurs propres traits. Voilà pour l’histoire. Mais cette grotte est bien plus que cela : frontière de la vie et de la mort, de l’ombre et de la lumière, des mots et du silence, elle est le lieu de l’épure, de l’ascèse, celui où les yeux s’ouvrent sur une autre lumière, celui où le temps se suspend et où les rêves prennent le pas sur la réalité. Lieu, en somme, d’images et de mots nouveaux, inédits, où le rêveur se rencontre lui-même mais avec les autres, surtout pas contre eux, lieu de la re-création, du poétique par excellence. Entre Belle au bois dormant et résurrection du Christ, traversée du désert et descente d’Orphée aux enfers, la légende avait épuisé tous les symboles. Amina Saïd lui donne un nouveau souffle, troublant : celui des mots.

Alain Kewes
Décharge
n°142, p.106


Tombeau pour sept frères, Amina Saïd

(…) Je me suis recueilli avec Alighieri devant le Tombeau pour sept frères d’Amina Saïd. Vous en restituer le troublant du récit de voyage dans la nuit des temps, je ne puis, tant « ingrats étaient les chemins tranchantes les pierres ». Récit d’une cavale à sept, au crime de témoins de la vérité, d’emmurés rêvant dans une « caverne au sein noir », Lascaux d’éblouissements à la flamme vibrante et fumante, vaisseaux d’yeux éclatés à force de voir dans le noir, huit dits de l’Autre Côté, ouï-dire calligraphiés par Hassan Massoudy, retour d’un endormissement de trois siècles, le temps que n’ait plus cours la monnaie des singes.

Christian Désagulier
Cahiers Critiques de Poésie n° 18, octobre 2009


« Tombeau pour sept frères est un textede très haute volée et un beau livre. Renouant avec un genre ancien, apparenté à l’épos légendaire, ce long poème est porté par une langue très pure où les accents lyriques ne brisent jamais le mouvement d’une fascinante méditation métaphysique. »

Max Genève, écrivain (Paris)


« Dans Tombeau pour sept frères, le tombeau utérin est parfait, à l’image de tous les paradis… L’écriture est impressionnante de puissance et de simplicité à la fois ; donne l’impression de porter, d’être portée par un souffle littéraire qui vient de loin, par la légende originelle peut-être, et tout ce que l’auteure a déjà pensé de la mort/vie, des rapports humains. Ce texte est à la fois classique et contemporain, il me paraît d’une perfection ! L’écriture en versets permet de marier les dimensions du merveilleux poétique, du récit dramatique, de la parole intime, avec souplesse et rigueur. Voici Amina Saïd installée au ciel de la Littérature ! Je crois qu’on peut l’admirer pour une telle réussite. »

Mathias Lair, écrivain et psychanalyste (Paris)


« Tombeau pour sept frères est un hymne à la sagesse et à l’intemporel songe d’être de la Terre comme du Ciel, compagnon humain avec la Lumière dans l’âme qui remue et évolue parmi les anges. Ce qui me frappe de nouveau dans l’écriture, c’est sa singulière limpidité et comment elle fait naître la lumière. L’harmonie innée qui agit sur le glissement des mots m’approche d’une certaine parole qui me devance. »

Moncef Ghachem, écrivain (Tunisie)

Caractéristiques

exemplaire

courant, de tête

isbn

978-2-913896-59-8

parution

Auteur

SAÏD Amina

Artiste

MASSOUDY Hassan

Collection

Poésie