Description
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La critiqueArt & Métiers du Livre, janvier 2020 Irène Gayraud Téphra (gravures de Bouchaïb Maoual, Al Manar) Né d’une résidence d’écriture au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement, Téphra explore les tréfonds de la géologie, du magma natif au travail acharné de l’érosion sur la croûte terrestre, façonnant les pierres et les roches qui nous fascinent. Cette incursion dans le cycle minéral fait bien sûr penser à Roger Caillois. Comme lui, Irène Gayraud pourrait affirmer que « le monde a commencé avec les pierres ». Mais c’est jusqu’au magma jailli du manteau terrestre qu’elle remonte, « énigme de matière montant dans la matière, avant le temps et déjà dans le temps. » Vitrifiée voici des millénaires, la roche volcanique « porte en elle, solidifiées, les traces anciennes de l’éruption ». Irène Gayraud saisit « l’instant où le temps s’incruste dans les pierres ». Elle scrute « les stries noires au cœur du granit », devine « la mue des isotopes », déchiffre les stigmates du feu cachés dans la structure du minéral. Longtemps après que l’érosion a fait son œuvre, raboté et creusé les roches volcaniques, sculpté falaises, cavités souterraines, gouffres et grottes, vient le temps de la rencontre avec notre espèce humaine. Au contact des premiers humains, la pierre devient outils, flèches, parures : « Les hommes tournent la flèche dans leurs mains avec granits, basaltes, avec toutes les roches, qui, un jour, ont commencé par la fusion ». Plus tard, « fondus dans la fournaise, (les pierres) retournent au magma du temps de leur naissance », se décomposent en grains, deviennent sable, verre, cristal, perle ou vitrail multicolore et achèvent leur cycle. Accompagné par les gravures de Bouchaïb Maoual qui évoquent en écho les fresques pariétales, le texte lui-même subit la métamorphose des pierres volcaniques. A la manière d’un téphra, qui, de l’œuvre de la nature à l’œuvre humaine, traverse les millénaires et le temps et parvient à la poète, « veilleuse même / prise dans le pergélisol » qui en recueille la mémoire, chaque poème, d’abord en prose, achève sa mutation, taillé et sculpté en vers incandescents. Marie-Josée Christien, chronique « Nuits d’encre », revue Spered Gouez / l’esprit sauvage n°26 (octobre 2020)
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