Description
Le livre
Tous les poètes [rassemblés ici] disent avec humanité leur besoin de justice. Sans haine ni violence. Parfois avec humour. Ou plutôt, avec ironie et dérision. Ils revendiquent une vie simple, presque ordinaire, sans guerre, ni occupation. Avoir le droit de vivre libre, en paix, parmi les siens, sur sa propre terre. Ils ont choisi, malgré le poids de la tragédie et la violence du désespoir, la parole poétique pour dire leur être. Le poème est un acte de civilisation. Leur vérité est universelle, généreuse, fraternelle. Tant de souffrance fait écrire à leur poème le besoin d’amour, de beauté. Ils écrivent l’attention au monde, sa réalité insoutenable, rêvent d’un monde possible, à construire comme une utopie commune, sans arrogance ni mensonge.
T. Bekri
La critique
POÉSIE DE PALESTINE Anthologie rassemblée par Tahar Beki
Vient de paraître, chez Al Manar, Poésie de Palestine, anthologie rassemblée par Tahar Bekri (1) qui donne à lire dix poètes de la Palestine d’aujourd’hui.
En 2010, après un voyage en Palestine, Tahar Bekri avait publié Salam, Ghaza (2). Et, parce qu’il y a des voyages porteurs de beauté et de liberté, la présente anthologie poursuit le dialogue entamé avec la Palestine et ses poètes qui vivent en leur chair le pays qui les habite. C’est donc un poète qui, autour d’une « terre confisquée » (p. 10), part à la rencontre d’autres poètes. Entre le poète tunisien et les poètes palestiniens, il y a la proximité d’une langue (3), une culture partagée mais des histoires différentes. Ainsi, l’anthologie Poésie de Palestine me paraît être un lieu de résonances où se tissent des interférences, où se construisent aussi des passerelles pour mieux amplifier des échos en partage et donner à entendre la complexité d’un monde dont tout lecteur – toute lectrice – a entendu parler mais qui, en réalité, échappe au grand nombre. De la Palestine chacun croit connaître le nom ou croit savoir quelques bribes d’histoire, mais qui donc reste à l’écoute de la voix des poètes qui chantent la Palestine, la vie quotidienne de celles et ceux qui y vivent, de celles et ceux qui ont traversé les frontières, transportant par-devers eux leur part de Palestine qui les habite à jamais ? (4) Vivre avec la conscience de l’existence du mur, question à la fois poétique et philosophique est au cœur de cette anthologie, cette moisson de fleurs dans laquelle le choix des fleurs et des mots est tout sauf anodin, puisqu’il est toujours « volontairement subjectif »(p. 9).
Pourtant, dans l’anthologie sur laquelle plane l’ombre tutélaire du grand poète Mahmoud Darwich (1941-2008) (5), la singularité de chaque voix est remarquable comme celle de Tarek Al Karmy disant les manques et les désirs :
L’enfant Oussama s’assoit le soir dans le camp
Avec ses cinq frères
En attendant les dessins animés
Mais le poste de télévision apporte
Le journal d’informations de vingt heures
La guerre se déroule à la télévision
Des vues de raids secouent le poste
Jusqu’à le traverser de l’intérieur
Les enfants sortent en manifestant dans la pièce sous le ciel
Les enfants ne veulent rien d’autre
Qu’un poste de télévision sans journal d’informations (p. 14)
Ou celle de Najwan Darwish parlant de sa « Carte d’identité » :
Partout où je suis allé ils m’ont pris pour un Irakien et ils avaient raison. Longtemps j’ai cru que j’étais un Égyptien qui vécut et mourut souvent au bord du Nil avec ses ancêtres Africains. (p. 21)
Ou encore la voix de Nathalie Handal qui décrit la route du « voyageur », ou se rappelle quelque souvenir :
J’essaie de me souvenir,
mot pour mot, de ce qu’il m’a dit
de ce jour où il s’est caché du soleil,
à savoir qu’il est une certaine lumière
qui fait revenir la guerre.
Mais il était prévenu,
l’ombre parfaite n’existe pas (p. 30)
Comme le souligne Tahar Bekri dans ses propos liminaires, c’est plus d’un siècle de poésie qu’il aurait fallu revisiter car « la poésie n’a cessé d’être l’âme et la voix d’un peuple, si meurtri par l’injustice de l’Histoire. » (p. 9). Ici se racontent de mille manières la complexité et la beauté du monde : les situations particulières font partie d’une histoire collective qui se dit par bribes ou par jets. Des histoires de thé et de vie, de rires, de guerres, de voyages, d’exils, de solitude, d’empreintes digitales… Ainsi se répondent les dix voix en écho qui nous mènent vers un au-delà des maux et de la violence quotidienne. Les poètes choisis, nés entre 1950 et 1980, (Tarek Al Karmy, Tamim Al Barghouthi, Basem Al Nabres, Nathalie Handal, Najwan Darwish, Fady Joudah, Zakariya Mohamed, Ibrahim Nasrallah, Deema Shehabi et Ghassan Zaqtane) donnent à voir et à entendre le rêve d’une paix souveraine avec soi et avec les autres.
Tanella Boni, Africultures
1. Al Manar, éditions Alain Gorius, 2013 (sauf précisions, les poèmes sont traduits de l’arabe par Tahar Bekri).
2. Éditions Elyzad, Tunis, 2010
3. La poésie dont il s’agit ici, comme le précise Tahar Bekri, s’écrit en arabe mais aussi en d’autres langues.
4. Des traductions et des anthologies de la poésie palestinienne contemporaine existent, notamment celle d’Abdellatif Laâbi, rééditée plus d’une fois. Voir, entre autres, La poésie palestinienne contemporaine, choix de textes et traduction Abdellatif Laâbi, Le Temps des cerises, 2002.
5. La présente anthologie, Poésie de Palestine, est dédiée à sa mémoire. Les poètes présentés ici appartiennent à la génération postérieure à Mahmoud Darwich.
7 juin 2013
La Presse de Tunisie.tn : Actualités Culture
Poésie de Palestine (*) de Tahar Bekri
Cette anthologie de la poésie palestinienne contemporaine, rassemblée par les soins de Tahar Bekri, traite à fond le sujet du drame palestinien. De retour d’un voyage en Palestine, l’auteur a publié en 2010 Salam, Gaza. Il donne ici à entendre les poètes rencontrés. L’œuvre de ce poète tunisien, vivant à Paris et marqué par l’exil, l’errance et le voyage, évoque des traversées de temps et d’espaces perpétuellement réinventés.
Dix poètes de Palestine disent ici leur soif de justice. Sans haine ni violence, ils pratiquent souvent l’ironie et la dérision. Ils revendiquent une vie simple, ordinaire, sans guerre, ni violence ni occupation. Avoir le droit de vivre libre, en paix et dans la dignité parmi les siens, sur sa propre terre. Ils ont choisi, malgré le poids de la tragédie, de tourner la page et d’affronter la réalité de leur drame en s’armant d’espoir. La parole poétique est un acte de civilisation. Leur vérité est universelle, généreuse, fraternelle. Ils écrivent l’attention au monde, sa réalité insoutenable, rêvent d’un monde possible, à construire comme une utopie commune, sans arrogance ni mensonge.
La poésie, culture de l’identité
Depuis Fadwa Toukan et May Ziadeh, la muse du grandissime Gebrane Khalil Gebrane, en passant par Mahmoud Darwish et son complice Samil Al Qasim, jamais la poésie n’a cessé d’être l’âme et de la voix d’un peuple humilié, blessé et meurtri par les vicissitudes de la vie et la cruauté d’un destin qui n’a pas cessé de s’acharner sur lui. Chassé de ses terres et poussé sur le chemin de l’exil, condamné par la communauté internationale à vivre dans les camps de réfugiés, souvent sur son propre sol, il a appris à combattre, même de loin, l’occupation inhumaine et sauvage d’un peuple qui se croit investi d’un droit divin l’autorisant à assujettir tout un peuple; un peuple qui se dit «élu de Dieu» et aveuglé par le soutien inconditionnel de l’Occident et du monde qu’on dit libre.
Ces dix poètes de Palestine ont pour nom Tarak Al Karmy, Tamin Al Barghouthi, Bassam Al Nabrass, Nathalie Handal, Najwa Darwish, Fady Joudeh, Zachariyeh Mohamed, Ibrahim, Nasrallah, Deema, Shehabi et Ghassan Zaqtane.
(*) Poésie de Palestine, de Tahar Bekri
Al Manar ed. Alain Glorius
Paris, avril 2013
Adel LATRECH
La Presse.tn, 25-05-2013
Poésie de Palestine : une anthologie
Tahar Bekri a rassemblé dix jeunes poètes qui partagent l’expérience de la colonisation, de la guerre, de l’exil. Leurs biobibliographies évoquent la Palestine, la Libye, Jérusalemem, Le Caire, Boston, le Koweït. Si chaque poème dans sa singularité contribue à la diversité du recueil, les sujets abordés en forment sa trame commune : la « volonté de défendre une identité individuelle et collective » (T. B.). Les auteurs mentionnent : les mémoires de famille, la présence de la peur, les rêves, l’espoir. « Nous… inventons les règles de la noyade », « … une nuit comme celle-ci… une nuit de silence… », « Comme ça, par la force de l’hiabitude » sont quelques vers qui manifestent cette force qui traverse l’ensemble des textes ici réunis. « Sans haine ni violence », ces voix rappellent que la paix ne devrait pas rester une utopie.
Heike Fiedler, Cahiers Critiques de Poésie (cipM), n° 27, avril 2014