Description
LA CRITIQUE
Michel Bourçon, où seul chasse le vent, Al Manar, 2025, 88p., 20 euros, photographies de l’auteur.
Pour le suivre depuis longtemps, je peux dire que Bourçon est un poète singulier, prolifique et égal – ce qui est rare quand la poésie est abondante. Une hyperconscience de ce qui l’entoure anime l’écriture, nourrit les poèmes, amplifie les thématiques.
On reconnaît vite un poème de son cru, parce qu’il densifie le sens des réalités intérieures, la découverte du monde (des arbres, du ciel), et la perception intime, unique des ombres au coeur et dans l’espace.
Il faut attendre la page 67 pour bien comprendre le sens et la portée du titre : « le passé/ où seul chasse le vent ».
L’être traqué, torturé, tremble d’être cette conscience agissante qui repère « les éboulis », le peu de savoir (nombre de « je ne sais pas, on ne sait guère »), les pertes, et le profil angoissant de la mort et de celle de la mémoire du monde.
Et pourtant, le poète sait aussi célébrer la vie simple de l’arbre, de la plume de l’oiseau, « l’aube possible ».
Mais, il se sent pris comme dans « l’étau de la vie », comprimé, sachant qu’il a peu de prise sur son monde, au-delà de la fenêtre, avec le sentiment d’être au centre d’une « collision » qu’il ne peut guère maîtriser.
Au centre d’un monde « clos », le poète « s’efface » pour donner libre cours à ce qui n’est plus (ou presque) lui-même ; le « on » dès lors emplit chaque poème de ses « à peine », « ailleurs », « son abandon », et qui, vraiment pourrait l’aider dans cette quête, « il n’y a personne ».
On sent souvent le désespoir pointer sous l’acuité des images, sous les tableaux comme immobilisés par sa propre conscience des choses.
Parfois c’est terrible :
« on est là sans pouvoir
sans effort pour se maintenir
ici même
où sur la fin
on n’en finira pas d’en finir »
(p.41)
Le lexique de Bourçon enfile depuis toujours les mêmes termes de solitude, de manque, de perte, de mort.
C’est dire que ces poèmes qu’il nous adresse sont comme un sursaut de vie, aiguë, entre précipices et clartés mouvantes.
Un vrai regard de poète, que je tiens pour l’un de nos contemporains les plus intenses, avec Vandenschrick, Noullez, Dugardin et Grandmont.
–
Michel Bourçon est né en 1963. Il vit dans le Nivernais. Il est l’auteur d’une cinquantaine de recueils, publiés tous chez de bons éditeurs. Citons : « Pratique de l’effacement », « Les rues pluvieuses n’iront pas au ciel », « Ce peu de soi », « Marges de la lumière » etc.
–
Philippe Leuckx est un poète et critique belge.
-Article pour LA CAUSE LITTERAIRE.
