Description
Jean-Paul Michel, poète et éditeur, à l’auteur
Depuis sa réception, c’est la troisième fois que je lis Le Livre de l’Amour, et c’est à chaque fois avec un immense sentiment de reconnaissance et d’admiration. Quelle bonne idée que d’avoir voulu donner écho par delà le temps au Collier de la Colombe et à Ibn Hazm, d’entrer ainsi avec lui en dialogue en visant la réactualisation active de cette tradition de la poésie arabe andalouse, profuse, généreuse, débordante d’élans sensuels. Evidemment tout cela est très au-dessus des ressentiments étriqués, nourris par le doute quant à soi et la crainte panique de l’autre. La poésie du présent ne te rendra jamais assez grâce pour la hauteur de ta visée comme pour la netteté de sa mise en oeuvre. Tu donnes là avec courage la preuve de ce qu’il est encore possible de ne pas renoncer. Sache, cher Mohammed Bennis, que je suis fier d’avoir pour ami l’auteur du Livre de l’Amour.
Tous mes compliments aussi à Alain Gorius pour la qualité matérielle de l’ouvrage. Elle est le gage du sérieux de son entreprise d’édition.
Ma toute meilleure amitié,
Jean-Paul
Mohammed Bennis a élaboré, avec ce livre, un dispositif concerté qui manifeste tout à la fois les contradictions du poème arabe moderne et l’intacte révolte du lyrisme amoureux. Il réécrit pour cela le traité d’Ibn Hazm (1), le théologien cordouan du XIè siècle qui, pour définir l’amour, avait associé l’exposition systématique des aspects de la passion, des récits de témoignages et des vers de sa composition. Ainsi Bennis mêle-t-il chant et récit, vers et prose, relisant une œuvre de la tradition pour interroger l’avenir du poème. Il s’identifie pour une part à son modèle : comme Ibn Hazm après la fin du califat omeyyade, il est exilé d’une Andalousie désormais « hors temps et hors lieu » qu’il lance en défi à la violence et aux conventions de son temps. Cependant, plus proche de la mystique de Hallâj et de Rûmi ou, on l’imagine, de l’érotisme de Georges Bataille, son défi va au-delà de la mesure gardée par celui qui était un musulman au littéralisme radical.
Stéphane Baquey
Cahier critique de poésie Marseille(1). Le collier de la colombe. Voir la traduction de Gabriel Martin-Gros : De l’amour et des amants, Paris, Sindbad, « La bibliothèque arabe », 1992.
L’un des dessins originaux de Azzaoui rehaussant en frontispice le tirage de tête.