Description
Frontispice : Gilles du Bouchet
Il y a dans ce livre une recherche de l’autre, le dur désir d’un difficile dialogue à travers la précarité des jours, la dispersion des lieux, l’insaisissable du temps qui mord. L’écriture y est fragmentaire à l’égal de l’impossible unité de la vie.
La variété des formes d’écriture illustre la diversité d’expériences paradoxales et la multitude des chemins de l’existence.
En exergue d’un poème, ces quelques mots de Henry Vaughan résument l’objet du livre et ce qui, à l’encontre des années, en fait son unité :
et respire, toi, dans l’âcre monde / pour dire ce que je fus.
Nous sommes un peu dans les voisinages d’André du Bouchet où percent quelquefois un ton, un mot, un rythme qui le rappellent. Mais l’ensemble du recueil est bien personnel, ce ne sont que quelques croisements, dus à une fréquentation assidue d’une poésie, autre richesse à se joindre. Recueil qui allège la lecture par des alternances de proses, de poésies et de lettres, le tout à géométrie variable maintenant néanmoins une ligne de mire propre à l’auteur. Divers lieux où passe le poème (Truinas, les Cévennes, la Normandie…) nous assurent un voyage, une légèreté qui y prend appui puis s’élance vers son propre devenir :
route coupée
me rompt à moi-même
et moi-même alors
loin devant moi
Cette poésie s’adresse à l’espace du noir, à la défiguration tout aussi bien qu’à l’espoir et l’été. Tout est venu et tout est à venir dans un élan qui nous porte plus loin que nous. Il y a aussi un espoir voilé dans ce cri de : l’âcre monde.Il se produit un mouvement de resserrement puis d’ouverture, une oscillation entre perdre et retrouver, entre l’épars et l’unité. Une solitude surgit quand la parole ne parle plus aux impossibles rencontres, aux dialogues avortés.
Il y a une recherche de la présence du monde, et, de celle de l’auteur en particulier au travers de ce recueil dont une certaine unité est assurée par la nature partout suggérée et par le ténu de la vie ordinaire qui loin de nous abattre, relève la route devant nous. Tous les horizons convergent vers un même point. Il s’agit d’un dépassement de soi par des voix/voies multiples que souligne la diversité de ce recueil sans fond, sans fin dans le jour/inachevé, même si … la jouissance de l’anéantissement /submerge la parole. Dire aura encore été ce qui nous aura sauvé : page blanche gravée de signes livrée à cette extrême attention qu’est le réel sans concession. Il y a une pudeur à parler de ce recueil vécu dans le ressenti et dans l’approche de la poésie, celle que l’on fait sienne venue à la rencontre de notre vie pour nous élever.
Je ne suis pas /d’ici fait écho à Le Cri muet quand La lumière hache le jour.
Beau frontispice de Gilles du Bouchet qui part, s’affirme et puis s’en va comme il est venu, discrètement.