Le battement des années

A partir de 17


Quatrième de couverture

Le nouveau recueil de Tahar Bekri, accompagné par Annick Le Thoër, ou la nostalgie des années perdues.

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Description

Il accompagnait l’envol des mouettes
Voltiges ailes déployées caresses du ciel
Elles atterrissent se posent se reposent S’envolent s’unissent se séparent se retrouvent

Ton poème a-t-il leurs envols
La transparence de leurs plumes
Sais-tu s’il plonge ou s’il reste à la surface A-t-il leur repos leurs cris sonores

 

Évocations autobiographiques, souvenirs, écriture de l’exil, vécu entre beauté et douleur, s’enchevêtrent dans ce chant d’amour, intime et ouvert sur la mobilité des jours. Une deuxième partie du recueil dit l’implication du poème dans la résilience au chaos du monde, la défense de sa beauté.

 

L’une des interventions d’Annick Le Thoër



 « LE BATTEMENT DES ANNEES » poèmes de Tahar Bekri, peintures de Annick Le Thoër, Al Manar, 2025

On se souvient peut-être du dernier recueil de poèmes de Tahar Bekri dont il a été question dans la Lettre, c’était «Chants pour la Tunisie » de 2023. Le poète avait déjà évoqué explicitement le nom de son pays d’origine en 2011 dans « Je te nomme Tunisie ».
Le présent livre est plus divers dans ses références géographiques. Dans la première de ses deux parties qui comporte une trentaine de courts poèmes, il est essentiellement question de Paris et même d’un quartier en particulier, le Quartier Latin pour le dire sommairement, nombre de rues, de places et même de lieux s’y trouvant précisément nommés : « Rue Saint Jacques / Nous avions déserté les mansardes /A l’étroit dans nos espaces … »
—non que ces lieux ne puissent en évoquer d’autres et renvoyer à un ailleurs : « Il neige sur Paris / Pourquoi avais-je pensé à Pouchkine… »
Le livre comporte une seconde partie composée d’une trentaine de textes elle aussi et qui nous emmène dans des lieux plus variés. Il s’agit d’abord, explicitement, de la Tunisie puisque très vite l’auteur intitule un des poèmes de cet « Arbre à papillons »(c’est ainsi qu’il désigne tout ce deuxième mouvement, du nom de cet arbuste aux magnifiques couleurs)) « Retour à Gabès » :  « Je te retrouve palmeraie au bord de la mer ». La Tunisie est plusieurs fois présente, un poème est daté de Djerba 2005 mais elle n’est pas le seul pays qu’on reconnaît dans cette diversité, on y rencontre aussi souvent des évocations de la Bretagne même si elle est moins clairement désignée.
Cette construction en deux parties amène à s’interroger sur ce qu’elle recouvre sans doute comme signification.
Le « battement des années », qui est le titre du recueil, est aussi un vers et une formule sur laquelle se termine la première partie : « Dans ma poitrine/ le battement des années / Vibrant de mille mélancolies / Liberté ». Comme le nom d’Eluard a été écrit quelques vers plus haut, on peut penser que le mot liberté vient de son célèbre poème : Et par le pouvoir d’un mot/ Je recommence ma vie/ Je suis né pour te connaître/ Pour te nommer/ Liberté.
Mais alors faut-il comprendre que tout ce qui a été évoqué jusque là par Tahar Bekri dans la première partie de son livre était justement une conquête et un exercice de cette liberté dont Paris, comme on sait, permet la découverte à tant de gens venus d’ailleurs comme lui. Et le Paris dont parle le poète dans la première partie du recueil y était sans doute particulièrement favorable car on croit comprendre qu’il s’agissait de la période à cet égard exceptionnelle qu’a été l’après Mai 68 pour les étudiants du Quartier latin, dont il fait partie depuis qu’il a quitté la Tunisie en 1976. Cependant, la liberté étant maintenant conquise, et comprise, que va-t-il se passer désormais ?
La réponse à cette question serait à trouver dans les poèmes divers qui composent « L’arbre à papillons » Et de façon qui ne peut manquer d’être significative, le premier d’entre eux s’appelle « La beauté du monde ». Le retour à Gabès pourrait être un moyen de la retrouver, mais de façon remarquable, ces découvertes ou redécouvertes ne sont jamais émises sur un mode triomphaliste, et c’est d’un autre mode qu’il s’agit, mode conditionnel du verbe qui permet d’imaginer ce que pourrait être la réalité plutôt que de faire le constat de ce qu’elle est. On pense à ce poème étonnant, « Si j’étais un violon », composé de strophes qui sont toutes introduites par ces mots : « Si j’étais un violon / Je soulèverais les cœurs vibrants / Contre le fracas du monde/ Je ferais de mon bois le héraut / de la beauté du monde. »
Et l’on retrouve ici cette formule du premier poème,  « la beauté du monde », qu’il développe dans un double sens : d’une part l’idée d’un monde merveilleux ou des merveilles qu’il donne à voir ; d’autre part l’idée d’un monde où l’on s’aime d’amour car les âmes y échappent à leur ordinaire surdité. C’est donc en un violon véritablement magique qu’il rêve de pouvoir lui-même se transformer. La poésie et le rêve ne font plus qu’un. Telle est la croyance qu’il a souvent exprimée : « Le rêve du poète est d’empêcher la laideur, d’être la sentinelle du dialogue humain… Je considère l’utopie, le songe comme le rêve nécessaires à l’humain. Les rêves sont des songes, c’est-à-dire des visions, au sens shakespearien du terme ».

Denise Brahimi, Lettre culturelle franco-maghrébine 101
Coup de Soleil en Auvergne Rhône-Alpes


Ya Hasra, «Le Battement des années», de Tahar Bekri

Ya Hasra, «Le Battement des années», de Tahar Bekri

Par Slaheddine Dchicha – Cette année, les vacances estivales, le retour au Pays et les retrouvailles avec les siens se sont déroulés sous les meilleurs auspices grâce au poète Tahar Bekri qui nous a gratifiés d’un nouveau recueil : «le Battement des années»(*)

Recueil composé de deux parties: la première au titre identique à celui de l’ouvrage, est un long poème d’une trentaine de brèves strophes tout simplement numérotées de 1 à 30. Quant à la seconde «L’arbre à papillons» elle contient 24   poèmes de longueur variable.

Dans cette dernière livraison, le poète n’a pas dérogé à la règle à laquelle il nous a habitués consistant à opérer une fusion entre sa poésie et la peinture de sa compagne, l’artiste bretonne Annick Le Thoër dont trois tableaux accompagnent et ouvrent respectivement le recueil et chacune de ses deux parties.  Le dialogue ainsi instauré entre poésie et peinture est tellement réussi qu’il laisse le lecteur indécis:  est-ce le poème qui décrit et exalte le tableau ou le tableau qui illustre et exalte le poème?

Le temps retrouvé

La tentation est grande de désigner cette première partie par «La Nostalgie des lieux urbains». Pastichant ainsi le titre d’un recueil de Bekri de 2014, «La Nostalgie des rosiers sauvages». En effet, dans cette quête autobiographique, dans ce retour attendri et quelque peu nostalgique sur son itinéraire intellectuel, culturel et amoureux, le poète semble accomplir un pèlerinage sur les lieux parisiens de sa formation et plus précisément le Quartier Latin.
Pour ce, il suit la Seine qui non seulement symbolise le temps qui passe,  coule, «bat»…

«Nous remontions le fleuve
A rebours» (p. 13)

Mais le fleuve lui sert aussi de fil d’Ariane pour revisiter ses souvenirs culturels et amoureux:

«Le fleuve suivait son cours
Compagnon de nos pas qui résonnent » (11).

D’où la multitude des toponymes: noms de rues et de places (rue Saint-André des arts,  square Voltaire, rue Saint-Germain, rue d’Ulm…), noms d’édifices culturels ou religieux (Notre- Dame, l’Ecole de médecine,  la  Sorbonne,  l’Ecole  Normale Supérieure…) Mais aussi des anthroponymes Picasso, Sartre, Simone de Beauvoir,  Beckett, Eluard…

Ces toponymes évoqués avec nostalgie font penser au Nabis de la poésie arabe préislamique, qui chantait les amours passées et les bien-aimées absentes en célébrant les traces et les vestiges des lieux de la rencontre… Hasard ou réminiscences de la culture d’origine?

Retour à Takapes

Malgré les apparences,  il n’y a pas de rupture entre les deux parties du livre puisque le prolongement de la quête autobiographique assure une continuité entre elles et légitime d’ailleurs leur coexistence dans le même recueil. Cependant pour remonter le temps,  en lieu et place du «fleuve» de la première partie, le poète a recours ici au «film» comme en témoigne le poème «Sous le Platane nu» (p.70) où il s’improvise monteur de cinéma:

«Il fait défiler le film de sa vie
[…]
La vie n’est pas une ligne droite
[…]
Il fait un arrêt sur image
Vérifie reprend le film au début» (p.70)

Lors de ce «montage», se sont opérées quelques substitutions: l’espace urbain a cédé la place à la nature et l’enfance a pris la place de la jeunesse et de la maturité.

Ainsi aux toponymes déjà mentionnés se sont substitués des noms relevant en majorité du lexique de la nature: automne, été, mer, mouette, tournesol, pluie… bref la culture de «le battement des années» a cédé le pas à la nature de «L’arbre à papillons».

Par ailleurs, des «flash-back» – pour filer la métaphore cinématographique – ont permis le retour sur les lieux de l’enfance à Gabès; le retour de l’exilé à sa terre, à son Pays et le retour du « transclasse » diplômé et cultivé à la simplicité de sa classe d’origine.

Tous ces retours permettent au poète de témoigner de la beauté originelle du monde qui se niche parfois dans un simple Buddleia de David,  l’autre  nom de ce splendide arbre à papillons ! N’ est-ce pas là la vocation première du poète !?

Slaheddine Dchicha

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* «Le Battement des année» Tahar Bakri, peintures d’ Annick Le Thoër, Al Manar, 2025, 80 p., 17 €

 

Caractéristiques

Weight N/A
Dimensions N/A
exemplaire

L'un des 12 exemplaires du tiré à part, L'un des 400 ex de l'édition originale

format / papier

13,5 x 19 cm

isbn

9782364264267

livre d'artiste

nombre de pages

80

parution

,

Auteur

BEKRI Tahar

Artiste

LE THOER Annick

Collection

Bibliophilie

Poésie