Description
Une méditation poétique, par l’auteur de Pluie sur la Palestine – et de tant de livres qui auront marqué leur temps – sur la vie, l’amour, l’orange.
Le livre figure dans la collection “Bibliophilie” : de beaux livres témoignant de la rencontre d’artistes et d’écrivains venus de tous les horizons de la Méditerranée partager leur expérience.
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Autres mots de la vie : les seins, le nombril, les fruits. L’herbe, la mousse. La source et le sang, la vache et la couleur, l’arbre. Le sable de la plage infinie, le bonheur. Mon sexe dans le tien, ma verge dans tes lèvres. Le ciel ennuagé qui joue avec l’avion des jeux de chat. Le repas de midi sous la tonnelle, avec des fraises, avec des fromages. Un aboiement de chien au crépuscule, les crocus du jardin suivis à pas pressés par les jonquilles. Et ce parfum dont je me souviens et que mes narines ont aimé jusqu’au rêve : à Alep, en Syrie, au début du printemps, l’odeur adolescente des narcisses.
Boulbon
L’irrigation du regard
Notes à propos de l’œuvre peint de Sylvie Deparis
Ici est montrée une arborescence à peine colorée de tracés qui ressembleront à des lacis d’ombres, plus tard, dans nos mémoires. Comme si on reconnaissait l’arbre, au loin, à la seule silhouette de la branche rapportée.
Dessiner la branche serait-ce se mettre en présence de la branche ? Serait-ce dessiner la présence ? Le chemin du trait c’est celui qui mène à la présence.
Esquisser, est-ce appuyer ? Il faut supposer un destin à la trace, en pointillés.
Tracer ce n’est pas seulement laisser advenir une trace, c’est orienter un chemin (ici un chemin de branche), en vivant celle-ci comme la matière d’un espace ouvert.
Il faut revivre par le geste la phusis de l’arbre, c’est-à-dire le principe germinatif par où, au commencement, la sève pousse sa pointe vers le devenir d’un arbre.
Sylvie Deparis cherche par des traits la vibration des lignes entrecroisées, superposées, du branchage ; elle noue la continuité à la discontinuité, infère la totalité de l’arbre d’un seul trajet de tige.
Elle suit du regard le mouvement que fait chaque élément du branchage. Chaque élément devient une ligne de regard. Et chaque geste du regard de chaque regard alimente l’intuition de la main traçante.
En même temps que le regard suit le trajet de l’objet « branche », la main s’oublie comme main : s’oubliant, elle dévoile une brisure dans la continuité du monde.
La brisure dans le mouvement : rien ne s’est cassé ; tout est déjà allé vers l’unification du mouvement du voir, du méditer, afin de mener le destin du trait au bout du trait.
Dans la figure du dessin on ne sait plus si le ligneux produit la ligne ou bien le fil d’une lumière iridescente.
Jamais ici la ligne n’a été aussi contenue dans le ligneux.
Ce qui est recherché et qui est projeté sur la feuille au moyen du crayon, de la plume, du pinceau, c’est moins la somme des tracés que la concomitance entre ce qui est vu, ce qui est pensé, venant du Soi, produisant le geste illuminateur de la main.
Au fond, il y a dans le lacis des branches figurées l’explicitation des croisements, recoupements, intersections, trajets intérieurs et extérieurs. Il y est suggéré que la forme naisse seulement du regard de la vision dans le faisceau des possibles.
Il y a l’arborescence d’une ancienne sève ayant porté le ligneux à devenir consistance spatiale. Cette sève est toujours là, comme énergie dans la mémoire. Elle est celle qui nourrit l’esprit du geste.
L’encre a quelque chose de la sève.
Chez Sylvie Deparis la beauté est le fruit d’une irrigation du regard qui s’est pensé à un moment précis comme figuration.
Joël-Claude Meffre