Description
XIII
Te revoilà désert
Aux piliers brisés
Dans la litanie des remparts
Les portes ouvertes aux brigands
Il y a le Livre des morts
Remplissant la vallée des Anubis
Il y a les restes âcres de mon acacia
Brûlé au couchant qui décline
Et des échassiers englués
Au dépôt des plumes
Pour en savoir plus sur Désert au crépuscule, et sur Tahar Bekri, un article paru sur le net tunisien :
rihttp://www.leaders.com.tn/article/24879-desert-au-crepuscule-de-tahar-bekri
Tahar Bekri:
«Désert au crépuscule»
Depuis que j’ai entrepris de vous présenter, amis lecteurs, le fruit de cette lecture, ainsi que de vous faire participer aux émotions qu’elle a suscitées en moi, je doute. En effet, vu mes pauvres connaissances du désert et de ses peuples, comment puis-je espérer circonscrire et vous transmettre l’essence de ces poèmes réunis dans ce petit recueil et grand cri du cœur de Tahar Bekri, déchirant face aux entre-déchirements des peuples du désert, dont les cultures sont depuis toujours proches de la sienne. Mais non de la mienne, bien sûr… Il est vrai que je hante depuis assez longtemps, disons, par empathie acquise, une descente aux enfers découverte dans son «Salam Gaza» en 2011, interrompue en 2015 par la parenthèse d’espoir de «Je te nomme Tunisie» et reprise en 2016 avec «Mûrier triste dans le printemps arabe», pour que je m’en sente proche. Cela suffira-t-il? Aujourd’hui, dans la complainte qu’il adresse au désert dans «Désert au crépuscule», le poète en paraît loin, de l’espoir, sans qu’il l’abandonne toutefois entièrement. Enfin, peut-être, car, à l’exception de celles qu’on pourrait éventuellement dire telles au quarante-et-unième chant, il se garde des malédictions. Je pense qu’il y a encore trop d’amour en lui.
Ne couronne-t-il pas en effet ses quarante chants, adressés à un désert muet, par un quarante-et-unième, chargé d’une liste de crimes djihadistes, en citant leurs lieux, puis en invoquant un monde arabe ouvert, d’avant l’hégire, par le Mu’allaqāt, l’ode préislamique, «Comment hisser le poème? / Ils organisent la sauvagerie…»? Et l’éditeur d’écrire à juste titre dans sa présentation, que «Dans la grande tradition poétique arabe qui évoque le désert, ce livre se soulève contre une réalité mondiale habitée par la volonté de mort…». Mais il en rajoute, comme a contrario, nageant en plein rêve: «Ces invocations célèbrent la vie, l’attachement à la beauté des êtres et des lieux…». C’était les mots de trop. L’éditeur eût dû au moins relativiser sa phrase, en la faisant précéder de «… quelques-unes de…».
Tahar Bekri s’adresse au désert comme à une personne, bien conscient qu’il n’en recevra en réponse silencieuse que l’étalage des souffrances de ses habitants et des ravages causés par les guerres et ce tant par les terroristes iconoclastes que par les armées régulières et les milices «révolutionnaires» de tous bords. Il parle évidemment à un désert, compris au sens large, qui désigne les contrées arides et semi-désertiques, mais jusqu’à ce jour vivables, du Proche et Moyen Orient, ainsi que d’Afrique du nord. Mais également à ce nouveau désert de l’esprit, devenu tel par l’ignorance, l’obtusion, la bigoterie et le fanatisme, après avoir été un univers de culture un millénaire durant. Les deux aspects de ce désert forment un territoire aussi vaste que le désespoir et la colère du poète, qui s’écrie dès le premier vers: «Ce n’est pas un mirage / Que tu vois au loin / Mais la caravane de chars / Les canons devant (…) Tant de sabres aux lames aiguisées / Aveuglent la poussière / Les bannières sourdes et noires»! Ce terrible tableau, qui en peu de mots dit tout et nous introduit en pleine tragédie. C’est une tragédie décrite tout autant en clair qu’en symboles, que vous-vous garderez toutefois bien d’essayer de décrypter d’emblée, façon analyste, mot par mot. Et pourquoi?
Eh bien, parce que Tahar Bekri est ici un poète, un vrai, dans tous les sens du terme. Et, s’il s’est libéré des rimes et des lourdes règles d’antan, ses vers n’en sont pas moins tout harmonie, musique, chant, lamento déchirant et indivisible, ensemble à ne pas fragmenter, car il apparaît, lumineux, au lecteur par-delà le vers isolé, la strophe inexistante ou la pagination omise. Contentez-vous de lire, simplement. Survolez le détail. Retenez-le, si vous voulez et pouvez; autrement, votre subconscient s’en chargera. Et voilà que, peu à peu, les divers acteurs de la tragédie se mettent en place, et cela jusqu’aux chants XXII, (le libyen?), où «Ils asservissent des frères Noirs / Captifs du rêve de survie / vendus aux marchés de la honte…» et XXIII, où «… Les roches come des lamelles coupantes / Ultimi Barbarorum allumaient les guerres…». Fin?
Non, certainement pas, plutôt entracte, ou, tout compte fait, rétrospective, l’air de vous dire «ne croyez surtout pas qu’il en ait toujours été ainsi!»… Sans doute pour ne pas vous gonfler avec le trop commun «c’était mieux avant», mais tout en songeant: «voilà ce qui était et pourrait l’être encore, si seulement…»… Eh bien, pour la suite de mon «… si seulement» (donc le mien, non du poète), il faut attendre que cette pause, ouverte en XXIV avec «Je t’aimais / Palmeraie aux portes du silence (…) Sous ces ruisseaux offerts / Aux parcelles à l’ombre…», prenne fin au poème XXXI. Là, elle rend doucement le poète (désarmé, debout, au seuil du désert agonisant) à sa conscience du malheur, en lui faisant écrire, en une sorte de cri muet «… Mère souffrante sur son lit / Et toi debout sur le seuil».
Et ce malheur, Tahar Bekri s’y replonge – et nous de même – en plein, dès le chant XXXIII, où il fulmine: «Les tribus jamais rassasiées / De butins de guerre / Les haches levées (…) Mausolées qui brûlent / Tombeaux souillés…». Cependant, en dépit des mausolées incendiés – on y arrive au chant XXXV – «… Leurs croyances comme des voyances / De sorcières semant la discorde / Qui toujours recommence / Les meutes triomphant de la raison». Ah, il est désormais tout-à-fait impossible d’ignorer que, plus encore qu’en d’autres ouvrages, ces vers vouent aux gémonies les superstitions religieuses, tout comme les meutes de charlatans qui les exploitent pour borner la raison, berner les masses et les asservir. L’unique alternative pourrait, en cherchant bien et en extrapolant beaucoup, être esquissée au premier vers du poème XXXX et, par conséquent, laisser peu d’espoir, car se situant au passé: «Désert tu fus vert…», la suite du poème étant une poignante élégie à un paradis perdu.
Né en 1951 à Gabès en Tunisie, Tahar Bekri vit depuis 1976 à Paris, qu’il a rejoint après deux séjours dans la prison de Borj Erroumi, et ne pourra pas revoir son pays natal avant 1989. «Je quittais la prison de Bordj Erroumi / La blessure béante / Sanguine comme un bourgeon charnu / Le mauvais sang serré entre les dents / Retourné dans l’infamie / Que des plumes perdues au rêve… », écrivait-il en 2011 au chant XIII de son recueil «Je te nomme Tunisie». Tahar Bekri a publié une trentaine d’ouvrages (e.a. poésie, essais, carnets et récits) en arabe et en français, dont j’eus le plaisir de présenter dans ces colonnes le fameux réquisitoire «Salam Gaza», son souffle d’espoir «Je te nomme Tunisie» et cette multiple élégie qu’est «Mûrier triste dans le printemps arabe».
Sa poésie est traduite dans de nombreuses langues (russe, anglais, italien, espagnol, turc, etc.) et fait l’objet de travaux universitaires. Son œuvre, marquée par la douleur de l’exil et de l’errance, évoque des traversées de temps et d’espaces continuellement réinventés. Parole intérieure, elle est enracinée dans la mémoire, en quête d’horizons nouveaux, à la croisée de la tradition et de la modernité. Sa poésie, celle d’un homme engagé, se veut avant tout chant fraternel et terre sans frontières un peu à l’instar des proses d’Amin Maalouf. Tahar Bekri est considéré aujourd’hui comme l’une des grandes voix de la littérature maghrébine. Il est actuellement Maître de conférences honoraire à l’Université de Paris X – Nanterre.
Giulio-Enrico Pisani
1) Aux Editions AL MANAR, 96, bd. Maurice Barrès 92 200 Neuilly. France
2) «Les derniers barbares»: pamphlet de Baruch Spinoza sur la barbarie politique, suite à l’assassinat des Frères De Witt, à La Haye en 1672
3) Je pense – mais je m’avance peut-être trop – que le poète fait allusion aux religions primitives, naturelles et peut-être même au «Deus sive natura» de Spinoza
4) http://www.jeuneafrique. com/depeches/55953/politique/tunisie-borj-erroumi-la-prison-synonyme-denfer-carceral-compte-ses-jours/
5) Bonne part de ces lignes biographiques sont empruntées au site personnel de l’auteur : http://tahar.bekri.free.fr/
Tahar Bekri, rue Mahmoud Darwich
Donnerstag 26. Juli 2018,
Zeitung vum
Lëtzebuerger Vollek
(Luxembourg)
Dans une salle bien remplie, à la médiathèque, le poète tunisien Tahar Bekri a lu des extraits de ses poésies. Elles racontent la Bretagne qu’il aime tant, ses souvenirs d’enfance en Tunisie mais aussi un engagement fort pour notre civilisation.
Le poète tunisien Tahar Bekri s’est invité à la médiathèque de Quimperlé, ce samedi, à 11 h pour une lecture de poèmes. L’auteur a une vingtaine d’ouvrages à son actif dont plusieurs en collaboration avec l’artiste Annick Le Thoër, son épouse.
Devant une quarantaine de personnes, le poète a commencé par lire des extraits de son recueil « La nostalgie des rosiers sauvages ». Sa voix posée, presque enchanteresse, a bercé la salle Charlie Hebdo de la médiathèque. Nombre de ses poèmes sont une ode à la Bretagne et témoignent de l’attachement de l’auteur pour la terre natale de son épouse : « On ne peut pas ne pas être touché par la Bretagne. C’est une terre très différente de la mienne mais il y a le même rapport à la fierté », explique Tahar Bekri.
Le pays de Gauguin et de Glenmor
Dans un texte en prose, Tahar Bekri relate un été au Pouldu, en 1985, « Ici, c’est le pays de Gauguin, la mer haute ». Il raconte une rencontre avec un vieillard, parle de la maison Portier, de l’embouchure de la Laïta.
Tahar Bekri rend aussi hommage aux grands artistes bretons dans ses textes, à Glenmor « sa Bretagne des pauvres et de blé noir ».Le poète a aussi lu « Après la pluie », une poésie illustrée par Annick Le Thoër et exposé à la médiathèque. L’artiste était présente dans la salle tout comme les peintres Claude Huart et Lutz Stehl. Une transversalité de l’art, revendiquée par le poète. « Si la musique doit mourir » a d’ailleurs été mis en musique par Pol Huellou en 2011.
Un poète citoyen
L’artiste est aussi engagé, « je me considère comme un poète citoyen, un poète de la cité. Le créateur doit défendre la civilisation comme un acte de culture ». Tahar Bekri a d’ailleurs lu un très beau texte, écrit avant les attentats sur le besoin de vivre, « de sortir de sa caverne » puis termine en citant toutes les villes qui ont subi « la sauvagerie organisée ».
Tahar Bekri s’est permis de lire une strophe en arabe avant d’être chaleureusement applaudi par son public pour ses 45 minutes de lecture.
Le poète tunisien a signé quelques-uns de ses ouvrages à son auditoire, ravi et touché par la lecture de ce samedi matin.
« Reporters Algérie », 3/07/2018
Une interview dans le quotidien tunisien Le Maghreb :
خاص بـ«المغرب»: تغطية لتسليم الشاعر التونسي الكبير طاهر البكري جائزة «بنجامن فوندان» الدولية: البكري: «الهدف الأول للشعر ليس المعرفة من أجل المعرفة، بل الذات و مشاركتها و التزامها بالنضال من أجل الحرية».
- بقلم زين العابدين بن حمدة
- 08/11/2018
- 53 عدد المشاهدات
أسند المعهد الثقافي الروماني بالتعاون مع المنظمة
الدولية للفرنكوفونية و مؤسسة ربيع الشعراء الجائزة الدولية للأدب الفرنكوفوني بنجامن فوندان الثالثة عشر للشاعر التونسي الكبير طاهر البكري لمجمل أعماله الشعرية و الفكرية. و نوهت لجنة التحكيم، في حفل ساهر عقد في بيت الشعر بباريس يوم 27 أكتوبر، بشاعر «متعطش للحرية و الكرامة، مع الوعي واليقظة» خاصة بعد تقلبات الربيع العربي منذ 2011. و اعتبرت أن «الطاهر البكري ساهم بصورة فعلية، عبر مواقفه، في الحوار الثري بين المثقفين و الكتاب من ضفتي البحر الأبيض المتوسط». وذكرت لجنة التحكيم كذلك أن تكوين طاهر البكري المزدوج ساعده على التعريف بالأدب العربي الكلاسيكي و الحديث في فرنسا وعلى إثراء اللغة الفرنسية بمعاني من التراث العربي.
حفل تسليم الجائزة أحيته فرقة موسيقية ، شارك فيها أميت فايزبرغر و فريديريك ديبون ، قدمت عرضا للموسيقات اليهودية «كليزمار» من مختلف الجهات في رومانيا. و شارك بعض حاملي الجائزة في السنوات الماضية في أمسية شعرية صحبة طاهر البكري تمت فيها قراءة بعض القصائد المختارة من شعر بنجمان فوندان وبعض أشعارهم الخاصة، وذلك في حوار شيق وطريف بين تجارب شعرية من تونس والكونغو والشيلي.
إرادة الحياة
في رده على تلقي جائزة بنجامن فوندان ألقى طاهر البكري كلمة مجد فيها خصال الشاعر الراحل فوندان و الذي تعرض للقمع و الترحيل نحو معتقلات الموت النازية. و أبرز البكري أبعاد شعر الأديب الروماني الذي انتقى تجاربه من الفلسفة والأدب و النضال من أجل الحرية. و يلتقي طاهر البكري المدافع بقلمه على المبادئ الإنسانية مع مسار الشاعر الروماني، خاصة تلك التي تتعلق بحب الحياة. وقام البكري بربط تجربة فوندان الذي مات تحت النظام النازي بتجربة الشاعر أبى القاسم الشابي المدافع على الحياة تحت نظام الإستعمار الفرنسي . و قرأ البكري باللغة العربية مقطعا من «إرادة الحياة»: «إذا الشعب يوما أراد الحياة / فلا بد أن يستجيب القدر. ثم ترجمها إلى الفرنسية. وفي ختام كلمته ذكر البكري رحلته إلى فلسطين، إلى هضاب رام الله حيث زار قبر الشاعر الفلسطيني محمود درويش الذي قضى حياته على درب النضال من أجل التحرر.
وقرأ البكري قصيدة شهيرة «أفغانستان» التي تعاطف معها الجمهور الحاضر و صفق لها طويلا : «إذا كان على الموسيقى أن تموت / وكان الحبُّ من عملِ الشّيطان / إذا كان جسمكَ سجنك / و كان السّوط هو ما تعطي / إذا كان قلبكَ لحيتك/ و كانت الحقيقةُ حجابا/ إذا كانت أغنيتك رصاصة/ و كان نشيدك رثاء /
إذا كان صقرك غرابا / و كان نظرك أخا للغبار / كيف لك أن تحبّ الشمس في الغار ؟».
حوار حصري مع الشاعر طاهر البكري
« الشعر دفاع عن القيم الإنسانية الكبرى»
أجرى الحوار في باريس زين العابدين حمدة
• عند تسلمك جائزة بنجامن فوندان الدولية قررت إهداء الجائزة إلى تونس و إلى زوجتك الفنانة التشكيلية آنيك لوتوار . ما هو المغزى بالنسبة لك وراء ذلك؟
من الطبيعي جدّا بالنسبة لي أن يكون الإهداء إلى تونس، بلدي الذي نادى بالحرّية و الكرامة و كان في طليعة من أراد تأسيس الدولة الديمقراطية والمجتمع المتقدم في ربوعنا و من الطبيعي كذلك ان يكون الإهداء لمن تقاسمني حياتي ومعاناتي وهواجسي منذ سنوات طويلة و يمتزج إبداعي بإبداعها أحيانا إلى حدّ التناسق البليغ.
• في كلمة استقبال الجائزة عبّرت عن تمسّكك بالمبادئ الإنسانية التي تشكّل المحور الأساسي في كتاباتك وعن شجبك للقوى الاستبدادية و بشكل خاص للقوى الظلامية. هل اختيارك قراءة قصيدة «أفغانستان» للحوار مع قصائد بنجامن فوندان تدخل في هذا الإطار؟
ما آل إليه حال العالم اليوم وخاصة في وطننا العربي والإسلامي مخيف ولا يحترم الشعوب و يضرب عرض الحائط بكل المبادئ الإنسانية ودور الشاعر هو أن يتمسّك بأخلاقية عليا لا تقبل أيّ دوس لحرية الإنسان أينما كان. قوى الاستبداد و الظلامية والتطرف والإرهاب عدوّة للإنسانية والشعر دفاع عن القيم الإنسانية الكبرى. من هنا كان حواري مع الشاعر الروماني الذي عانى من النازية و لم تغب فلسطين في كلمتي و كان قصيدي المكتوب بعد أحداث 11 سبتمر يندد بزارعي الموت و مُسيلي الدماء.
• في آخر مجموعة شعرية لك تحت عنوان «صحراء في المغيب» تربط الكتابة الشعرية بين صحراء القوافل و الرمال التي تعطي صورة عن الماضي و دبابات الحاضر القاتلة. هل ربطك الماضي بالحاضر عبر «الحلم الحارق / عدو الإنسانية جمعاء» كما تقول في القصيدة السابعة يعني أن العنف و الظلامية التي تهدد الإنسان اليوم لها جذور في تاريخنا و ليس للإنسان اليوم مسؤولية في ذلك؟
في هذا الديوان المكتوب في قصيدة واحدة تتكوّن من خمس وأربعين قصيدة أسائل الماضي والحاضر العربيين شكلا ومعنى عبر كتابة معلّقة حديثة كأنّ أطلال الجاهلية تعيد الينا رسم خريطة خراب الحاضر وانهياره فتصبح الصحراء قفرا حقيقة ومجازا و بالطبع فللأنظمة العربية والإسلامية ومن يدعّمون القوى الظلامية بكلّ مشاربها مسؤولية كبيرة في مغيب التاريخ وإجهاض ربيع المجتمعات و الشعوب الذي أصبح كالسراب. شعري شعور قويّ بألم المأساة و لكنّه قبل كل شيء هو عمل إبداعي نصّي وفنّ كتابي.
• هذه المجموعة الشعرية تتأسس حول مخاطبتك للصحراء و كأنك لا تخاطبها بل تطرح عليها الأسئلة الحارقة التي تريد طرحها علينا جميعا و التي تتعلق بالحياة والحرب و الغزو والغنيمة والآلام والإرهاب الذي يضرب حاضرنا.
منطقتنا مهددة بأن تصبح صحراء كبيرة و قد هجرتها الملايين و لا نرى للقفر حدودا. مخاطبتي للصحراء هي مخاطبة انفسنا وتاريخنا ولوْ تكلمت الصحراء لكان كلامها لا يفنى كحَبّ الرمل شكاوى وألاما.
س – القصيدة الأخيرة ، عدد 21، تعدد فيها العمليات الإرهابية الإسلامية عبر ذكر المدن التي تعرضت لهجمات إرهابية في القرن الحادي و العشرين و تربطها بقصائد المعلقات. لماذا هذا الربط؟ هل هنالك معنى لربط الماضي بالحاضر في هذا الشأن؟
كانت العرب تخط المعلقات بماء الذهب حسب الرواية وتخط اليوم داعش والقاعدة والإرهابيون عامة معلقات سوداء بدم الإنسان في كل مدن العالم…
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Lu pour vous ‘’Désert au crépuscule’’
De l’éloge de l’immensité à l’apologie de la planète
Tahar Bekri déclame une poésie qui ressemble comme deux grains de sable à de l’activisme écologique et si une première lecture révèle immédiatement l’éloge de l’immensité, une deuxième au second degré nous entraîne vers la perception d’une saisissante apologie de la planète. Un recueil déstructuré en triptyque aux morceaux épars au fil des poèmes : l’adversité des siècles et leurs lacérations, les périls qui guettent la population traditionnelle du désert et les nouveaux vautours analphabètes épris du néant.
Il est vivant, il écoute, on l’entend respirer, impossible de rater ses soupirs, regardez-le attentivement, il a les cheveux prématurément blanchis, à force d’en avoir vu de toutes les couleurs… Voici le désert antithèse du désert synonyme de néant que sillonne Tahar Bekri avec une suite de 41 poèmes organiquement dépendants les uns des autres, contés comme une saga.
Le poète insiste très lourdement sur sa vieillesse, osant un parallèle de grand-père avec Gandhi, certainement pour nous souffler qu’il se suffit de peu et qu’il est non-violent mais aussi pour nous faire comprendre que ses souvenirs remontent très loin dans le passe et, de toute évidence, encore plus loin vers l’avenir. Il survivra à tout, semble-t-il vouloir nous chuchoter.
L’adversité des siècles
Quand on lit directement les vers, on saisit immédiatement l’éloge de l’immensité professée par le poète, mais quand on cherche à lire entre les lignes, on ne peut alors manquer d’identifier une étonnante apologie de la planète… qui en a bien besoin car, malgré la multiplication des défenseurs, leurs plans ne cessent de se heurter, encore et encore, au mur érigé par les plus forts : le mur des intérêts immédiats des Etats et de leur logique d’hégémonie et de profit pure et simple.
La poésie de Tahar Bekri ressemble comme deux grains de sable à de l’activisme écologique qui dresse un triple tableau, un triptyque allions-nous dire, de ce qu’il est advenu du désert tel que défini par l’identité profonde de son être. Un premier tableau qui décrit l’adversité qui fait rage contre le désert depuis des siècles avec des armes qui transitent sous diverses bannières, l’insolence des chenilles des chars, les épouvantails cauchemardesques, les débris omniprésents, les milliers d’obus, les étendards des prétendants, les razzias incessantes, les guerriers aux sabres inutiles, les mandibules des acridiens, les miradors des sentinelles, les sabots de fer, la soldatesque assoiffée de sang, les scorpions…
Périls de la population du désert
Un second tableau revient également par bribes dans les poèmes de Tahar Bekri, mais celui-ci ne vous emplit pas de dégoût comme le premier car nous sommes ici en présence de la plus poignante des nostalgies : le désert nimbé du romantisme des hommes et des éléments. En vérité, une description de la population qui lui appartient de droit ; les chameaux chancelants sous les palanquins, la rosée éplorée, les palmeraies orphelines, les vallées du cœur, les vents pleureurs, les rires, les fêtes, les bracelets, les mélodies, les tempêtes, l’aurore, la pluie qui adoucit les arbustes, le vent caressant les épis, la nuit à la belle étoile, le ciel sans nuages, les cascades roucoulantes, les ruisseaux offerts, les parcelles de l’ombre, les rouges-gorges impatients, les couleurs, les matins, les jardins, les odeurs, les feuillages, les grappes vertes…
Une population qui souffre le martyre, qui n’a plus sa place, dont la plupart a définitivement déserté les lieux…
Des analphabètes qui brûlent les manuscrits
Ceux qui les remplacent occupent le troisième volet du triptyque où le poète décrit une population de vautours en dehors du temps. Des épouvantails barbus qui se saisissent des esprits faibles à grands coups de sermons et de vindictes, avec des promesses de dupes d’un au-delà flamboyant. Le poète ne lésine pas sur les épithètes en décrivant des chacals qui ne prennent pas la peine de cacher des crocs qui ne promettent que les agonies les plus sordides. Des reptiles qui rampent pour creuser des galeries destinées à faire éclore les hybrides génétiques dont l’ADN ignore le sens de la vie et ne s’attache qu’au négoce de la mort. Des corps factices momifiés et séniles qui n’ont que faire de la vérité. Des manieurs de fouets qui lacèrent le corps des érudits, faisant couler leur sang, broyant leurs os. Des gardes inflexibles doublés de négriers qui asservissent tout sur leur passage. Des analphabètes de l’imposture qui brûlent les manuscrits et des oracles auto-proclamés qui n’écoutent que leur propre voix.
Et tous ne caressent qu’une seule ambition coupable. Celle de mettre le feu aux poudres et de ne laisser personne en dehors du brasier. Le drame se poursuit dans leur sillage quand le désert devient une porte ouverte à toutes sortes de brigands qui se trouvent des affinités avec l’incertitude de l’histoire.
Un avant-goût de lecture ? Voici le 28e poème; celui que nous avons trouvé le plus beau et le plus nostalgique :
‘’Palmeraie nourricière
Des pauvres
Accueillant l’oued généreux et avare
Les sources amoureuses de chants
Les bêtes pour la compagnie fidèle
Un dos soutient les jarres
L’autre emporte le flot
Tant de sobriété
Suffisait à la patience
De devancer les sabots
La nudité n’est pas une tare
Mais couvrait le corps si beau.’’
Oui, ‘’La nudité n’est pas une tare’’, cela n’a jamais été aussi vrai qu’en décrivant l’essence du désert, antithèse du néant.
L’ouvrage
‘’Désert au crépuscule’’,52p.
par Tahar Bekri
Editions Al Manar, 2018
La Nouvelle Revue, Paris, été 2019