Description
La critique
Sagesses et autres animaux
Après plusieurs recueils de contes publiés pour les jeunes, Jocelyne Laâbi poursuit sa quête du patrimoine oral marocain. Ce sont cette fois dix-huit contes recueillis dans la région de Fès qu’elle présente, dans un français léger et plein d’humour, pour faire ressortir la sagesse et le piquant de ces histoires immémoriales. » Avec la rivière, notre conte s’en est allé. Avec les gens de bonne compagnie, nous sommes restés « . Le plaisir qu’on éprouve à la lecture de ces contes est moins de découvrir des histoires inédites – elles sont relativement peu nombreuses – que de retrouver la petite musique familière d’un univers où hommes et animaux conversent, où l’on apprend l’explication du monde, où l’on retrouve des péripéties et des dénouements amenés par la magie. Ainsi, » La Pomme de fécondité » ou » Un drôle de vœu » évoquent des naissances miraculeuses, celle d’une fille née du mollet de son père ou d’une femme qui met au monde une cigogne… Les deux enfants deviendront évidemment de ravissantes jeunes filles dont s’éprendra le fils du roi. Il est question aussi de voyages et de retournements de fortune, comme dans » Le Langage des oiseaux « , ou de fraternité mise à l’épreuve, dans » Les deux frères « .
Petite musique familière
D’autres textes, souvent plus courts, relèvent plus de l’historiette que du conte à proprement parler mais appartiennent à ce même univers, comme » La grenouille qui craignait l’eau » ou » Une histoire d’insectes « . » La Tête du scorpion » nous explique pourquoi cet animal n’a pas de tête, ayant préféré ne pas se déranger le jour où Dieu distribuait les têtes, après avoir vu celle de la chouette… D’autres encore ont pour fonction de délivrer une morale. Ainsi dans » Le riche et le pauvre « , c’est un chêne qui fait comprendre la leçon au frère sans coeur. Quant à » Le Silence est vraiment d’or « , il raconte la triste imprudence de la vieille huppe… Certains contes fonctionnent sur une accumulation d’événements qui s’enchaînent : » Randonnée » est le périple de la charrue pour récupérer le foulard que lui a pris l’alouette ; » L’homme qui troquait » rend justice à un malheureux contraint de vendre l’unique bracelet de sa femme. Quant aux savates de Tobtab, elles ne font que lui porter la poisse.
Pour rire et rêver : à déguster sans modération…
Kenza Sefrioui
Le Journal Hebdo
Kane ya makane…
Les histoires de nos grand-mères
Avec la rivière mon conte s’en est allé », de Jocelyne Laâbi
« Avec la rivière mon conte s’en est allé ». Qui ne connaît la fameuse phrase avec laquelle les conteurs marocains signalaient la fin de l’histoire? En tout cas pas Jocelyne Laâbi, qui en fait un titre pour son nouveau livre, un recueil de contes du Maroc justement, qu’elle a pu glaner auprès des conteurs dans le sanctuaire même de la tradition et de la mémoire marocaine, j’ai nommé la ville de Fès. Publié par Al Manar, collection Contes et nouvelles du Maghreb, le livre comprend une vingtaine de contes plus ou moins connus, plus ou moins longs, qui rendent tous compte de l’imaginaire d’une société, forgé par le travail des siècles, qui étonne par sa fertilité, par la profondeur de sa sagesse et par la variété également des figures de style dont il fait usage. Un univers merveilleux, où se côtoient dans une parfaite harmonie, des princes et des bergères, des sorcières et des faucons, des lions et des souris. Qui tantôt entreprennent des relations de bonne entente, tantôt se brouillent ou se disputent, mais se soumettent toujours au final, au verdict de la raison et de la sagesse. Le conte n’est-il pas un vecteur de valeur de moralité, de vaillance et de normalité ? Savez-vous pourquoi le scorpion n’a pas de tête ? Parce que le jour où Dieu distribuait des têtes aux animaux, le scorpion n’a pas cru devoir se donner la peine d’aller chercher la sienne en voyant celle de la chouette : « Eh bien ! Si c’est pour avoir une tête comme celle-là, j’aime mieux ne pas en avoir du tout ! » avait-il lancé dans un soupir. Et connaissez vous l’histoire de la grenouille qui voulait se protéger de la pluie ? Non ? Allez, la voici racontée par Jocelyne Laâbi : Une grenouille habitait une rivière. Un jour qu’elle prenait le soleil, bien étalée sur une pierre, voilà qu’il se mit à pleuvoir à grosses gouttes. « Je ne vais pas bêtement me laisser mouiller, s’écria-t-elle. Rentrons à la maison « . Et, pour se protéger de la pluies, elle se jeta à l’eau ». Si l’histoire de la grenouille fait sourire, celle de la huppe fait plutôt réfléchir. Ne dit-on pas que le silence est d’or ? Oui, mais la vieille huppe ne semblait pas le savoir elle, avant de l’apprendre à ses dépens et un peu trop tard. C’est qu’elle se faisait gratuitement nourrir par un faucon qui, la voyant toute déplumée, la prit pour un jeune oisillon, jusque jour où l’imprudente lui révéla qu’elle était plus vieille qu’il ne pouvait l’imaginer. D’autres contes sont plus longs, telle la pomme de fécondité, un histoire exquise où se croisent un prince, des sorcières et la jeune et ravissante jeune fille adoptée par un vautour. Il y a également d’autres contes, tels Lounja-la Gazelle, la prière du chacal, les deux frères, randonnée, l’âne métamorphosé en homme, l’histoire du lion et de ses compagnons avec l’homme, le langage des oiseaux etc.
Abdelaziz Mouride
Le Matin, 4 janvier 2008
Contes du Maroc 5 janvier 2008
Merveilleux recueil s’il en est ! On connaissait trois de ces contes publiés en 1989 aux éditions Messidor / La Farandole dans la collection 8.9.10 sous le titre Le lys et le basilic. Les textes ont été légèrement retouchés, sans dommage. On retrouve donc ici « La Pomme de grossesse », « Un drôle de voeu… » et « L’histoire d’une petite tête ». Accoucher d’une petite fille quand on est un homme, trouver l’amour avec un serpent, d’accord, mais découvrir la présence d’une petite tête qui virevolte et se montre d’une amitié sans faille ou plonger dans l’eau pour ne pas être mouillée, ne sont-ce pas là d’étranges choses ? Merveilles et rires assurés. Sagesse aussi et quelques idiots pour passer le temps ainsi qu’une randonnée où l’on voit une charrue et une alouette parties couper du bois… Beau texte de Jocelyne Laâbi, jolie présentation : un livre tout blanc, tout simple. Une pure merveille, on l’a dit !
Revue des livres pour enfants, avril 2008, n° 24