Description
La préface d’Albert Memmi
J’ai raconté comment, sous la prédominance de l’islam, mon pays natal était riche de communautés diverses :« une salade composite » ironisions sur nous-mêmes. Cependant, je ne me souviens pas avoir suffisamment mentionné l’épice espagnole.
Adolescents, nous avions l’habitude de nous réunir, les fins d’après-midi, au petit square poussiéreux de l’avenue de Paris. Outre les vantardises de rigueur à cet âge, sur l’instigation de notre unique camarade catalan, Luis Gomez, le seul chuchotions-nous, qui avait eu une vraie liaison avec une femme, et qui pour cela nous regardait de haut, chacun apportait sa copla. Nous nous critiquions, nous proposant des ajustements réciproques.
La copla, à l’instar des haïkus japonais ou de nos propres dictons rythmés, est une courte pièce espagnole de trois à cinq vers, le plus souvent adressée à une femme aimée ou convoitée. Loin de lui nuire, sa brièveté en augmente l’intensité et lui permet d’être lue ou entendue, parfois chantée, par le grand nombre. Comme l’acte d’amour, le poème est fondamentalement quelques saccades, le reste est remplissage.
J’ai recueilli ici uniquement ceux qui parlent d’amour, la plupart en vérité, puisque c’était notre préoccupation principale. Ainsi rassemblés les coplas forment un tableau des rapports entre femmes et hommes, avec leurs attirances et leurs drames, leurs tendresses et leurs dépits. Certains se répètent, mais il en était ainsi dans nos rencontres.
Je me suis toutefois permis de les repasser dans un même moule : des vers de six pieds, dont le rythme me convient et convient je crois au lecteur francophone, ne serait-ce que parce qu’ils forment les moitiés de l’alexandrin, auquel nos oreilles sont habituées depuis l’école. Je n’y ai pas toujours réussi ; on trouvera ça et là quelques exceptions de huit et même de sept pieds, lesquels me semblaient s’imposer.
Le quatrain m’a paru également la forme la plus appropriée, deux par deux. Je n’y ai pas toujours réussi non plus. En revanche j’ai renoncé aux rimes qui exigent souvent des sacrifices au détriment du sens.
Que le lecteur me pardonne mes insuffisances. Le plus important était de trouver une adéquation entre une émotion et une forme ; ce qui, ai-je déjà noté, est peut-être la meilleure définition de la poésie.
Les gravures d’Anick Butré (Les 6 premiers exemplaires comportent la suite des gravures tirées sur papier Japon).
La sixième gravure d’A. Butré orne l’emboitage de Coplas.
gravure en frontispice