Description
Trois dessins de Claude Bellegarde accompagnent le poème de Siham Issami.
Drapés par leur désir
Dans leur étreinte, elle glisse dans ses yeux fondus, humides.
Un feu liquide habite ces yeux qui la regardent la boivent, lentement, comme un vin précieux.
Parmi toute cette famille de regards qui hante ses yeux
Elle aurait aimé garder ce regard fait de désir et de douceur à l’abri de ses tempéraments fols
Le suspendre et effacer toute l’histoire
Haletante, en bribes de mots, bribes de souffle elle l’interroge:
– Pourquoi me faire cela ?
Et entre ses » parce que j’en ai envie « , » je le veux « , » j’aime « …
elle cherche » parce que c’est nous « .
Parmi tous ses » je » elle cherche » nous »
Tant ils étaient » nous » dans le désir, » nous » dans le souffle, » nous » dans l’étreinte,
» nous » dans l’envol…………………………….. du moins
La critique
Les Amants de l’ailleurs : la Préface de Khatibi Ce texte est-il un poème ? Le récit d’un souvenir de désir éperdu, passion et malheur ? Le tourment à effacer par le mot le plus prodigue ? Le chant d’un contretemps pendulaire ? Mais l’intimité énigmatique de cette voix laisse intacte la violence d’une liberté de ton et de genre littéraire ; liberté farouche, déterminée, souple en son orage, à la mesure de ce qui va se dire. Ce qui va se dire a la force d’un poème en prose récitatif qui marche sur le feu. Feu tournant sur un vide radieux, le vertige même. Vient-elle d’une nuit de loin mystique ? Mais, c’est » une nuit phénix « , nous dit-elle. Une nuit onirique et ses oxymores. La parole et le silence, la vue et l’aveuglement des amants, l’écoute et la vision tactile, début d’un chant, errance, aventure scindée en désirs qui questionne, plaint et se plaint. Les Amants de l’ailleurs ! C’est un ailleurs si proche qu’il met à l’écart toute passion froide, un ailleurs en mouvement extatique, à la suite ou à la trace d’un événement, d’un mystère, d’un hasard dénoué sous le pas de passant dans ce désert lumineux, si fertile, où surgissent images filantes sur la » rencontre » et » la chute « . Pour s’orienter dans ce vertige tissé par des mots en perpétuel envol, il faut bien que le phénix en question transcende l’épreuve du feu et de la douleur des amants. Transformer la mélancolie en un art de réincarnation est la vocation du poète lors de son voyage dans le passé. Mélancolie initiatique au cri et au silence. Là, le centre de gravité de ce dialogue suspendu dans le vertige. Ce temps à arracher au langage fuyant de l’envol, force circulaire d’une constellation de mots en chute libre. Il s’agit bien d’une apesanteur, le réveil du phénix à chaque nuit blanche, chaque fois qu’il retrouve son point d’équilibre dans le vide radieux. La voix, celle qui s’enrobe dans la rapidité de mots ailés et de plumes éparpillées dans ses cendres. La voix module la beauté envoûtante du silence, le chant qui hésite, l’élan progressif de la jouissance en mémoire, la solitude irradiée dans l’autre nuit, celle de l’ailleurs. Une nuit qui voit, qui écoute, touche, palpite, ne va nulle part, disséminée en instants fulgurants. Telle est cette nuit-limite. Rabat le 20 août 2005 Tel Quel, Casablanca, 21/11/2005 Siham Issami en est à son coup d’essai. Et c’est un coup de maîtresse, qui retrace, en une nuit, les mots qu’ont laissé sur son corps Les amants de l’ailleurs. Ce long poème défie les limites formelles du genre. Il est aussi libre que le souffle érotique qui le traverse. La douleur de la soif, la mélancolie du désir, l’ambiance des départs, les visages fermés, les habits froissés, les acrobaties du plaisir, Issami expérimente tous les recoins de la langue et les rides du lit. Ecrits au rythme haletant d’une artiste assoiffée de mots, ces bouts de dialogue entre amants, hachés par les silences de la vie et les maladresses de l’envie, ne se lisent pas comme une contemplation. Ils vous parlent, vous narguent. Et vous finissez par succomber à leur charme. Ed. Al Manar (80 dh) |