Description
tu n’entends jamais quand se répète la mort dit l’iris
au cavalier de soie noire virevoltant sexuel comme un printemps au bord des cheminstu n’entends jamais le mot mort répète l’iris au bord de la route joyeux d’un petit rien oublieux du reste
Arrive la petite : d’un mot fait un bouquet s’en va sur les chemins et la mort avec elle
Le Paradis de l’oiseleur ressemble à un pont, entre deuil et espérance. Le coq guérisseur rend l’espoir au matin. Si la mort, celle de la mère, est présente au long du recueil, la vie et le désir sont encore là ; la poésie de Giorgio Caproni conduit au détachement qui permet au poème d’exister. L’espérance est violente, disait Apollinaire : elle permet le mouvement de l’écriture et entraîne au voyage le lecteur, entre oubli et mémoire.
La critique
Le paradis de l’oiseleur de Sylvie Durbec (éditions Al Manar) est semble-t-il (et même c’est certain) une suite à La huppe de Virginia paru aux éditions Bremond. Dans l’écriture de Sylvie Durbec (tout comme dans ses collages, dessins et broderies), il y a quelque chose de l’enfance qui demeure, et ce côté-ci côtoie une écriture tout en finesse et ciselée. Dans la huppe de Virginia, la petite Virginia s’adressait à la très vieille Virginia. Dans le paradis de l’oiseleur, l’enfant côtoie la mort, l’absence avec ce retour en arrière, ces souvenirs d’un autre temps, dans les quartiers de la mère, à Marseille. Le ton est donc plus grave et moins dans le jeu que dans le précédent recueil, la mort rôde et même le silence. Tout cela avec beaucoup d’oiseaux, du pays et de la terre. Un très beau recueil.
IV, l’iris
tu n’entends jamais quand se répète la mort
dit l’iris
au cavalier de soie noire virevoltant sexuel
comme un printemps au bord des chemins
tu n’entends jamais le mot mort répète l’iris
au bord de la route joyeux d’un petit rien
oublieux du reste
Arrive la petite : d’un mot fait un bouquet
s’en va sur les chemins et la mort avec elle
Cécile Guivarch, pour Terreaciel
Il est dit que Sylvie Durbec compose volontiers avec les oiseaux. Et la huppe, présente déjà dans un précédent recueil (La huppe de Virginia, 2011), réapparaît ici, plus vieille dans ce temps désormais « immobile et gris », le temps, pour l’auteur, du deuil de sa mère. « Les poètes esaient avec les mots de déplacer la langue usuelle vingt six lettres pour dire : pas une de plus. » Des citations empruntées à Giogio Caproni accompagnent ce livre divisé en quatre parties et où ne pointent que quelques lueurs d’espérance transmises par « l’enfant », celui qui a trop de vie en lui pour entendre « quand se répète le mot mort ». Le paradis de l’oiseleur parfois répète un vers, comme on repasserait un même pont, là où tournoie la huppe au-dessus d’un corps mort, tandis que l’enfant interroge : « Chaque fois que l’un de nous meurt, est-ce que chaque fois un petit dieu meurt aussi ? » Sylvie Durbec a trouvé les mots.
Alain Helissen, CIPM, Cahier Critique de Poésie 27, mars 2014