La brûlante rumeur de la mer

A partir de 16


40 exemplaires de tête, typographiés sur Vélin d’Arches,
rehaussés de dessins et de peintures par Joël Leick.

1000 exemplaires typographiés sur Bouffant édition.

La brûlante rumeur de la mer est une suite de poèmes lyriques où se retrouvent certaines des interrogations déjà présentes dans le dernier recueil de T. Bekri, L’Horizon incendié : l’exil et le voyage, l’Afrique, l’Europe dans sa diversité culturelle, l’errance… Des chants retenus, empreints de gravité, d’une attachante sobriété.

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Description


Jeune Afrique, du 29 août au 4 septembre 2004


Le Temps,
Tunis, 25 août 2004


Littérature
La brûlante rumeur de la mer — Recueil de poèmes de Tahar Bekri

Entretien avec le poète

Une interrogation inquiète

Propos recueillis par Rafik DARRAGI

Selon Aristote le rôle propre du poète «n’est pas de dire ce qui est réellement arrivé, mais de dire ce qui pourrait arriver selon la vraisemblance ou selon la nécessité.» (Poétique 9).

La Brûlante rumeur de la mer, le tout nouveau recueil de notre poète national Tahar Békri, est une parfaite illustration de cette célèbre définition. Hymne entièrement dédié à la mer nourricière, il est aussi une interrogation inquiète sur le devenir de cette richesse commune, une interpellation et un appel angoissant à la conscience de chacun.

Les poèmes concernent d’abord la mer Méditerranée, cela s’entend, puisque le poète est né sur ses rivages, à Gabès, et que le plus long poème dans ce recueil s’intitule ‘Golfe de Gabès’. Mais l’océan n’est pas oublié . ‘Journal d’océan’ est, lui aussi, un long poème que l’auteur dédie à Annick, sa femme, originaire de Doëlan, un petit port pittoresque au sud de la Bretagne.

La Presse a profité de la parution de ce recueil pour rencontrer Tahar Bekri. Nous espérons que ce long entretien, qui s’est déroulé à La Sorbonne, aura les mêmes répercussions positives que celui qu’il nous a accordé il y a plus de deux ans (cf : « L’homme qui a la lune dans la tête », La Presse du 18/02/02&25/02/02); nous espérons, également, qu’il aura, lui aussi, valeur de témoignage et qu’il contribuera à mieux comprendre non seulement l’œuvre, mais aussi l’homme. Précisons également que c’est avec la plus grande gentillesse que Tahar Bekri a accepté de répondre à cœur ouvert à toutes nos questions.

Tous les poèmes de ce recueil ont pour sujet la même thématique, la mer ou l’océan. Le ton, d’une manière générale, est plutôt au pessimisme, voire à la désillusion et même à la souffrance. D’abord, voudriez-vous nous expliquer ce titre : ‘La brûlante rumeur de la mer’ ? Pourquoi avoir choisi ces termes ‘rumeur’ et surtout, ‘brûlante’ ?

Ce titre est une métaphore sur pratiquement tout ce qui est profond dans l’être poétique et l’individu également : la brûlure dans la tourmente et non pas seulement dans la beauté de la mer elle-même; la rumeur dans le sens aussi de l’écho, aussi bien le souvenir que ce qui entoure aujourd’hui la mer, réelle et métaphorique, comme interpellation, comme questionnement et comme pensée. Bien entendu, l’actualité n’est pas exclue, mais la mer est ici au centre d’un journal poétique où chaque lieu, chaque moment, chaque instant, est évocateur d’émotions profondes, du moins tel que je voulais écrire ce recueil.

Le premier poème est intitulé ‘ Lisbonne, tombeau de Pessoa’. Fernando Pessoa est évidemment ce grand poète portugais du début du siècle dernier, connu notamment pour avoir écrit en portugais et en anglais, mais pour avoir aussi créé trois hétéronymes, trois identités littéraires différentes afin de souligner la complexité de sa personnalité, lui dont le nom en portugais signifie ‘personne’. Peut-on en dire autant sur vous ? Avez-vous des affinités avec ce poète ?

Ce poème, ‘Lisbonne, tombeau de Pessoa’, est une évocation de ce grand poète de la modernité, mais aussi de la mélancolie, de la fameuse ‘saudade’ portugaise . Je l’ai écrit après deux voyages au Portugal et surtout un séjour à Lisbonne ; se sont mêlés ainsi l’évocation de ce poète avec aussi le passé arabe de la ville, notamment la partie qui s’appelle Alfama, qui signifie, en réalité, El Hamma, la source chaude dans la ville; et, en me promenant dans les vieux quartiers de Lisbonne, je ne pouvais pas m’empêcher de traverser le passé ; mais également, vivant dans le présent du monde arabe et les liens avec le Portugal, pour moi, le tout passe par le souvenir des lectures de Pessoa et de son évocation de l’océan. Donc la mer est aussi la jonction avec le bassin méditerranéen, elle est aussi tumulte et remous puisque cette Méditerranée est un tumulte historique, un lien que les poètes ont essayé de rendre fraternel, amical.

A propos des évocations maritimes de Fernando Pessoa, nous pensons à l’un de ses célèbres aphorismes : «Un bateau semble fait pour naviguer; mais son but véritable ce n’est pas de naviguer : c’est d’arriver au port. Nous voilà tous en train de naviguer, sans la moindre idée du port auquel nous devrions aborder. Nous répétons ainsi, sur un mode douloureux, l’aventureuse formule des Argonautes : il est nécessaire de naviguer, mais pas de vivre.» Etes-vous d’accord avec cette opinion ? Y a-t-il une affinité entre votre pensée poétique et ce qu’il dit ici ?

Je pense que le poète est un vrai navigateur mais un navigateur dans les mers les plus profondes car c’est dans les mers cachées que se trouve la poésie en tant que questionnement, parfois métaphysique, même si la poésie est parfois un questionnement sur le politique, sur l’histoire et sur le réel. L’imagination la plus profonde reste parfois du ressort du mystère, du secret, de l’impossible réponse. Il n’y a pas de solutions dans le domaine de la poésie ; et comme vous le dites, Pessoa a écrit des poèmes avec trois personnages qui le représentaient. Tant mieux si nous arrivons à un port mais le voyage n’est pas nécessairement un voyage où l’on garantit l’arrivée; la poésie est un risque de l’être, risque du vécu, et il y a l’aventure de la pensée, l’aventure de l’esprit. Parfois nous atteignons le cœur humain; parfois l’émotion nous bouleverse et nous partageons cela avec d’autres humains mais quand on regarde l’histoire de la poésie ou la vie des grands poètes, nous constatons qu’il y a énormément de vies tragiques, énormément de bateaux qui échouent et qui se cassent; il y a beaucoup de fracas dans les ports, il y beaucoup de rochers qui sont comme des obstacles, et donc le rêve de tout poète, je n’en sais rien pour les autres, en tout cas pour moi, le rêve est comment joindre la fraternité universelle. J’avoue que cela n’est pas du ressort de la facilité, du ressort du voyage facile, mais la poésie étant une implication totale, il y a donc ce mouvement du vécu qui nous emporte tel le mouvement de la houle; je pense que la métaphore de la mer que je donne à ce recueil est semblable : elle est parfois calme, parfois écumeuse…

Ce calme dont vous parlez est pourtant rarement présent dans vos poèmes. Il y a beaucoup de nostalgie, d’angoisse, de doute et d’interrogations aussi. Je pense en particulier au poème intitulé ‘Sousse dans la pénombre’. Cette ville n’est-elle pas liée à votre enfance, à certains souvenirs douloureux ?

Oui, j’ai vécu un certain temps à Sousse, j’y ai fait l’école primaire mais tout souvenir n’est pas directement dit ou nommé ; il y a la douleur vécue personnelle… Je ne peux pas revoir Sousse ou d’autres villes sans quelques souvenirs douloureux. Je pense que la poésie, l’écriture, la littérature en tous cas, provient, de manière générale, de cet aspect, de ce questionnement, parfois de la blessure ; on essaye de marcher sur sa propre braise, comme l’on dit…

Tant il est vrai que la poésie n’est en fait qu’une biographie indirecte…

Oui, ce livre est pour moi, une autre étape. Il contient un poème, ‘Nuit’, la mer sombre, la mer noire pratiquement au sens politique du terme; c’est un clin d’œil à l’Irak actuel et la noirceur, tout ce qui est obscurité actuellement à travers le monde et qui m’interpelle en tant que poète arabe vivant en France ou à l’étranger; donc on ne peut pas oublier tout ce réel qui encombre l’actualité, sur fond de questionnement métaphysique, du côté pratiquement de Sophocle.

‘Porte de la mer’ est le titre d’un de vos poèmes, un beau poème, certes, mais où perce la désillusion. Pourquoi pas ‘Bab Bhar’ tout simplement ? Ne s’agit-il pas de ce quartier de Tunis, précisément ?

Effectivement ‘Porte de la mer’ est une évocation du Tunis de mes années d’étudiant. «La Brûlante rumeur de la mer» est un livre où la Tunisie est beaucoup présente. Il y a Sousse, Carthage, Sidi Bou Saïd, Gabès… C’est aussi le questionnement sur l’utopie, sur les idéologies. Si on essaye aujourd’hui de faire un bilan pour ma génération, c’est-à-dire le rêve, où nous en sommes aujourd’hui…

Vous êtes déçu ?

Non je ne dirais pas déçu mais il y a beaucoup moins d’utopie pour notre génération, au sens du rêve d’une société future et on le voit : vers ces années là, nous étions attachés à tout le monde, je ne dirais pas à la Tunisie seulement. C’était plus facile dans les années soixante dix de rêver de société.

Pourtant le lecteur retrouve partout les mêmes interrogations, les mêmes inquiétudes; dans le poème ‘Sidi Bou Saïd, par exemple, on constate que ‘ la mer est sourde’ et que la tragédie de Sisyphe, pourtant ‘averti’, se répète. Décidément, il y a beaucoup de désillusion dans ce recueil, beaucoup d’angoisse, même lorsqu’il s’agit d’endroits paisibles. Dans un site enchanteur comme celui de Kavala, en Grèce, vous évoquez néanmoins le ‘prisme d’illusions’ ou encore l’’inapaisée vastitude’ de la mer et ‘les mimosas en pleurs’ à Cesenatico, cette perle de la côte adriatique ; il n’existe ‘nulle accalmie’ même dans le petit port si pittoresque de Doëlan, sur la côte bretonne.

C’est l’effet du contraste, de l’antagonisme. L’intensité dramatique dans le poème me semble en tout cas, à mon niveau, provenir de cet antagonisme. Dans les paysages les plus beaux, dans les lieux les plus magnifiques, l’évocation des éléments, des couleurs, ou des arbres, il y a souvent cet antagonisme qui est déchirant, qui n’est pas nécessairement volontaire. C’est vraiment le vécu, ce que je vis régulièrement, ce tiraillement, ce déchirement entre ce qui est beau et ce qui est laid. Le monde actuel est submergé de laideurs, d’informations macabres, de choses apocalyptiques, un chaos de la modernité, d’événements mondiaux, de sang, de kamikazes, d’agressions politiques. C’est précisément dans ces lieux où nous sommes en train d’admirer un coucher de soleil ou un beau paysage que parfois l’on tue, l’on bombarde, et l’on assassine. Malheureusement, c’est ça, la réalité ; il suffit de sortir dans la rue, il suffit de regarder la télévision, ou lire un article dans le journal. Or on ne peut pas fermer les yeux sur ce qui nous entoure. Partout où je vais — j’ai voyagé en Afrique et à ce propos, j’espère que le prochain livre sera davantage du côté du continent africain —. Bref au milieu du plus beau paysage du monde, il y a, en même temps, la laideur de l’actualité, du monde moderne. Or la poésie n’est pas manichéenne pour moi; elle est bel et bien cette dualité. Qu’est-ce donc que la poésie si elle n’a pas d’utopie, si elle n’a pas de rêve, de songe, de vision ? Avec le recul — trente ans pour ma génération — après le passage de la vie d’étudiant, on ne peut que constater les échecs des idéologies, la découverte des défaites de la pensée, souvent la défaite de beaucoup de pays. Tout cela donc constitue à mon avis un terrain favorable, je ne dirais pas à la désespérance, mais en tout cas à l’interrogation inquiète.

Parlez nous maintenant de ce long et beau poème qu’est ‘Le Golfe de Gabès’. C’est là où vous êtes né et il vous rappelle votre enfance. S’il ne résume pas à lui seul la substance de votre recueil, du moins, ne reflète-il pas cette verve poétique, ces évocations mélancoliques d’expériences vécues ou observées, illustrant cette ‘rumeur brûlante’ qui court en filigrane dans tout le recueil ?

C’est vrai, il s’agit évidemment d’évocations douloureuses; celle de cette magnifique palmeraie natale, mais en même temps les souvenirs de la mort de ma mère; et ce grand-père qui était comme Gandhi, un paysan en retrait; il représentait pour moi toute la bonté, l’attachement à la terre en tant qu’élément nourricier de l’humain. Ce sont là des choses qui reviennent constamment; je n’y peux rien, même adulte aujourd’hui, car c’est de là qu’est né mon rapport avec la poésie. Enfant déjà je me posais des questions métaphysiques : qu’est-ce que la mort ? Qu’est-ce que la justice ? Qu’est-ce que l’existence… ? Puis ces dernières années, malheureusement j’ai vu ma palmeraie natale et la pollution qui la menace… J’espère qu’on va remédier à cette situation car Gabès comme son golfe, dont l’évocation remonte à Pline et à Hérodote, appartient à tous les méditerranéens…

‘Journal d’océan’ est presque aussi long que ‘le Golfe de Gabès’. … Il ne s’agit plus de la mer Méditerranée. Le poème se présente sous forme de dialogue entre un couple…

Mon épouse est originaire de Bretagne. Dans son village natal, Doëlan, je passe sur les traces de Gauguin qui a vécu à proximité, au Pouldu… J’avais déjà écrit un poème sur ce peintre,’ L’Appel de Gauguin’. La mer est aussi l’océan; elle est ici appel de l’horizon, appel du large, du voyage. Le dialogue est entre mon épouse et moi. Comme elle est peintre, c’est donc un rapport entre la poésie et la peinture qui s’instaure, car il s’agit en fait de son journal, de ses souvenirs et de ses évocations. Ce poème est aussi une interrogation, nos liens à cette terre, à ces lieux, à ce qui est intime pour nous. Je pense que souvent l’adulte écrit son enfance. Même adultes, nous ne faisons qu’écrire notre petite histoire individuelle… D’autre part j’ai fait indirectement dialoguer le Golfe de Gabès et les Côtes d’Armor qui sont d’ailleurs, sachez-le, deux régions jumelées.

Le dernier poème s’intitule ‘Atlantis’. Il nous renvoie à Platon et au mythe de cette civilisation disparue. Ce recours au fond imaginatif peut surprendre car même s’il relève de l’image et du possible, il contraste avec le thème principal, la mer, souvenirs, les expériences vécues.

‘Atlantis’ est peut-être pour moi le poème le plus pessimiste du livre parce que, tout en pensant à Platon et au continent disparu, j’aurais peur que notre planète disparaisse par la faute de la guerre, de la violence, de la pollution. C’est donc une sorte de cri d’alarme…

« Le poète, parce qu’il a le don d’évidence, est prophète», disait le poète Jean Pélégri. Votre recueil, La Brûlante rumeur de la mer, se veut-il une prophétie ?

Je n’en sais rien ; ce que je constate c’est qu’aujourd’hui l’actualité est si meurtrière, si sanguinaire. Chaque jour avec son lot de drames se greffe une tragédie humaine sur le destin : la mort de l’homme ; mais qui risque aussi d’être la mort de l’humanité. ‘Atlantis’ doit nous interpeller sur le rôle de la paix, sur la justice mondiale, sur la défense de l’humanité ; un poète moderne ne peut pas fermer les yeux sur cette réalité.

Dans votre recueil, deux poèmes, ‘Dante, vespérales’ et ‘Au souvenir de Pétrarque’ n’abordent pas directement le thème de la mer mais on y retrouve comme un lien invisible, non seulement des noms tels que Aristote, Averroès, Africa ou Zama, noms qui renvoient au monde méditerranéen, mais également les noms des célèbres égéries, Béatrice et Laura. Est-ce à dire que l’amour, et en ce cas précis, l’amour platonique qu’ont chanté ces deux grands poètes, reste en fait la brûlure par excellence ?

La poésie ne peut pas s’écrire sans rapports amoureux. C’est cette évocation des rapports de couples, qu’il s’agisse de Dante ou de Pétrarque qui donne cette brûlure ; les sensations viennent de ces inquiétudes, de ces beautés. Evidemment rien n’est facile dans tout cela. Rien n’est simple. J’ajouterai qu’il y a dans mon livre deux exergues, Pablo Néruda et Imru-El Kaïs, qui sont deux poètes de l’amour. Je voulais absolument que ces lieux de la mer ne fussent pas uniquement méditerranéens mais universels, un partage commun. Pourvu qu’ils m’aient donné l’émotion nécessaire pour écrire. Tous ces lieux sont des lieux où je suis allé, chargés d’émotions, de sensations, de sentiments et ou s’entremêlent le passé, le présent, les autres, soi-même. C’est également, une odyssée, presque homérienne, parce qu’il y a aussi parfois quelques élans épiques, l’évocation de la guerre et de l’échec aussi…

Presque tous les poèmes sont hermétiques, lapidaires, sans ponctuation ; un seul, ‘Mer, lac et autres baies’ se détache clair et limpide. Pourquoi ?

C’est vrai, ce poème est à part dans ce livre ; c’est un ensemble d’aphorismes, comme une sorte de sagesse ancienne. Mais, voyez-vous, la difficulté n’est pas dans la métaphore ou dans l’image mais plutôt dans le sens que le poète cherche à formuler. En tout cas, ici ce sont presque des formules de sagesse.

Ce rôle de sage nous semble tout à fait concordant car ce recueil reste malgré tout un chant. Il n’est pas seulement un signal d’alarme, un rappel des maux dont souffre la mer sous la main de l’homme, il est également un chant d’amour, ce qui, en fin de compte, ne fait que rappeler le rôle de la poésie tel que vous l’avez toujours entendu, c’est-à-dire un « chant fraternel, terre sans frontières ».

Ce que vous me dites me touche parce que toute cette douleur, cette souffrance évoquée à travers ces poèmes, c’est bien un but profond pour moi, c’est le chant fraternel; la mer c’est aussi le partage; la mer c’est aussi la mère avec un e, la mère nourricière; c’est le bassin commun à l’humanité et bien que je sois terrien, l’évocation de cette mer doit pouvoir nous aider à s’aimer, à pouvoir être accueillant, à respecter le devoir de l’hospitalité; au poète donc d’aller au-delà de toutes les mesquineries des frontières actuelles, des politiques, des fermetures économiques que nous vivons dans nos régions. Il doit appeler à une générosité profonde et c’est là, peut-être, ce que permet la poésie : préserver la beauté du monde. Le monde est magnifique; la planète est merveilleuse et il faut la sauver; à la poésie de faire ce sursaut mais il y n’a pas de sursaut facile; le rôle du poète c’est de lancer cet appel à l’humain; voyez-vous l’humanité est peut-être le but de notre écriture.

R.D.

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Tahar Békri, La Brûlante rumeur de la mer, Editions Al Manar, 82 pages.

Golfe de Gabès

Et dans la palmeraie de l’enfance l’insouciance

Reine des fins d’après-midi d’école

Ravissait nos retours désinvoltes

Parmi les talus aux épines alertes

Cahiers dans les couffins et plumes rares

Nos petits corps à la poursuite des troupeaux

Endiablés attisés par le bouc sonore.


Dante, vespérales


Et dire à Béatrice

La mer est feu et flamme

Noirs et blancs

Paradis et enfer

L’errance est ma demeure

Libres sont les rêves aurifères.)

Journal d’océan

Les chênes cachaient ma peine

De n’être pas née voile

Ou vague dans le vent

Les hortensias détournaient mon cartable

De l’orthographe si lourde à porter

Tourmentée écolière

Que les champs ramenaient à la mer

Lentement entre haies de fusain

Et vieilles chaumières.

La Presse, Tunis, 11 octobre 2004

La brûlante rumeur de la mer(e)


Les Editions Al Manar viennent de publier (Neuilly-sur-Seine, juillet 2004), dans la collection « Poésie du Maghreb », le nouveau recueil de poésie du Tunisien Tahar Bekri intitulé La brûlante rumeur de la mer.

Né en 1951 à Gabès (Tunisie), Tahar Bekri écrit en français et en arabe. Il est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages (poésie, essais, livres d’arts). Aux Editions Al Manar, il a publié L’Horizon incendié et Orage, zéphir (en collaboration avec le peintre marocain le regretté Mohammed Kacimi).

Sous ce titre dont l’oxymore qui décline la métaphore irifinie des propos et des portées de ce recueil (tout vient de la mer et y retourne), celui-ci fonctionne comme un journal poétique : celui qui relate une écriture happée par la quête émotive et conflictuelle d’un havre de paix qui n’existe nulle part. A l’instar de ses travaux poétiques précédents, Tahar Bekri y continue de construire un style qui enchante de nouveau le lecteur et l’invite à partager avec son auteur de nouveaux voyages poétiques à travers le sacre homérique de la poésie et du langage dont l’agencement, ici, avec les noms des figures de création cosmopolite et avec les lieux célébrés par le poète tunisien, est un exercice olympien de la parole de l’autre ou de l’étranger ou encore de l’ailleurs que ce poète de l’errance personnifie.

Comme Journal de neige et de feu , ou L’Horizon incendié, La brûlante rumeur de la mer est un « Journal d’océan « , un carnet de retour aux mots, et, à la fois, aux sources généreuses de nombreuses pérégrinations. Les mots sont, comme ne cesse de le rappeler T. Bekri, la demeure des poètes, leur patrie, leur panthéon.

La brûlante rumeur de la mer se compose de seize poèmes de longueur différente. Ce sont seize haltes poétiques dont la  » rumeur  » océane ponctue l’avènement : de la ville de Pessoa, Lisbonne, en passant par l’Espagne, l’Italie, la Grèce, la Bretagne, jusqu’en Tunisie, chaque visite ou périple poétique de Tahar Bekri est l’occasion d’une construction métaphorique dont la dissémination est toujours le retour infini, mais paroxystique, vers ce pays (Ifrikia) qui a donné son nom à l’Afrique.

En effet, La brûlante rumeur de la mer, comme un  » Chapelet d’attache  » (autre recueil de poésie de Bekri), égrène, pour les convoquer à une imagination poétique sans attaches, cinq stations dont les différents noms configurent la  » Tunisie la blessure  » : Sousse, le port de Sidi Bou Said, la Porte de la mer, le Golfe de Gabès, et, pour finir, l’ancienne ennemie de Rome : Carthage l’incendiée.

Chez T. Bekri, l’absence du pays natal ou l’exil sont générateurs d’une quête ontologique où se côtoient mélancolie et nostalgie, lumières et obscurcissements, pays et paysages, levers du jour et crépuscules, esthétique et éthique inquiète. Mais par-devers tout, l’écriture bekrienne transmue ces entremêlements ou ce chaos en ressources et en forces. Elle est toujours là, au rendez-vous, pour atténuer la blessure que le poète porte en lui, là où ses pas l’emmènent, et vers où le vent de l’errance l’emporte et le ravit.

En effet, cette errance nostalgique se métamorphose en une errance positive, voire en délivrance et catharsis. En poète de l’exil et de l’Ailleurs, T. Bekri est l’auteur de la déclaration suivante :  » Mes derniers livres ne sont pas très nostalgiques, parce que je vais maintenant vers l’autre, je découvre et continue d’être émerveillé par le monde ». Si La brûlante rumeur de la mer témoigne de cette éclosion vers l’autre et le monde, c’est que l’exil n’y est ni une damnation, ni une malédiction. Bien au contraire, il devient un « autre », une fenêtre ouverte sur le monde. De La brûlante rumeur de la mer surgit une quête de l’autre et de l’Ailleurs dont maintenant la Tunisie natale est partie intégrante.

Ce n’est donc pas sans raison qu’on rencontre, chez T. Bekri, l’attelage de l’image du poète nostalgique du pays natal et l’appel de la mer car  » tous les lieux mènent à la mer « . La célébration de la mer permet à T. Bekri d’acquérir un nouveau souffle, une nouvelle écriture. Face aux paysages ouverts par la fin de l’exil, la mer est l’espace retrouvé, le paysage préféré du poète; elle est le souffle du vent libérateur. Grâce à la mer – élément marin qui revient souvent sous la plume du poète -, le poète part à la découverte de nouveaux lieux et paysages, de nouvelles métaphores et interrogations existentielles inquiètes ; avec comme seul et unique équipage, une parole poétique capable de transcender toutes les frontières spatio-temporelles et culturelles.

Le résultat en est l’entremêlement de différentes figures poétiques de l’universel où l’essentiel, c’est l’homme et la métaphore, pour reprendre ces mots qui ponctuèrent un des entretiens que j’eus avec T. Bekri le printemps dernier à Paris. De cette  » Tour de Babel  » de l’universel et des métaphores émergent les nouveaux compagnons de route de T. Bekri : nous y rencontrons Fernando Pessoa, Pablo Neruda, Sophocle, Homère, Pétrarque, Dante et Imru Ul Qays. Parallèlement à cette évocation il en est une autre, celle du Cosmos englouti par les flots. D’où la célébration d’Atlantis :  » Ami de Sophocle ou Homère tu ne sais vraiment / Que de grottes avec leur Cyclope / peuplent ton océan / Epopée ouverte sur Le livre des morts / Toutes ces îles disparues / Lourdes de la dérive des continents / Ne suffisent pour séduire tes rivages sauvages / Nourris de tous ces sables mouvants  » (p. 79).

Les appels de la mer que T. Bekri entendait dans L’Horizon incendié, sont constamment et partout audibles ; ils sont réels et ubiquistes :  » Et toujours lui revenaient / les appels de la mer / vagues rebelles / Ecumes brumeuses » (L’Horizon incendié, p. 27). La brûlante rumeur de la mer s’ouvre sur deux exergues évoquant l’élément marin primordial. Reprenons une strophe du poème de Imru Ul Qays cité par T. Bekri :  » Une nuit comme les vagues de la mer / A baissé sur moi ses voiles / M’éprouvant de tous tourments « .

Telle une toile d’araignée universelle, La brûlante rumeur de la mer est une métaphore autour de laquelle gravitent et se tissent les poèmes émerveillés et inquiets de T. Bekri. Toujours en « marin de l’inconsolable », il s’interroge :  » Pourquoi mer (…) Toutes ces îles / surgies de tes entrailles / Peuvent-elles apaiser mes vagues / Dans la brume si souvent « .

La mer est l’emblème d’une métaphore obsessionnelle et physique qui agite si fortement l’être du poète T. Bekri au point qu’il en fait une magistrature du beau et de la vie dans La brûlante rumeur de la mer. En écho à la persistance diaphane du retour de la métaphore et de la métaphore du retour, nous relevons, dans le poème intitulé  » Sousse dans la pénombre « , une supplique adressée à la mer: amniotique. Cette supplique personmfie comme une plaie interstitielle ouverte par l’impossible retrouvaille du poète et de son Ithaque africain :  » Le retour inutile / Comme souvenance rebelle / Baignée au loin par la vague inquiète / Pouvait-il retenir le soleil de se coucher / Effacer la trace du vent / Lavant / Son visage / Couvert par la nuit depuis longtemps  » (p. 11 ).


Dans un langage expressif, T. Bekri nous révèle les secrets des liens forts qui le lient à sa terre natale. C’est aussi dans les vers les plus imprégnés de la parole nostalgique que se rencontre le chant attentif à l’espérance et à l’émotion, au chagrin et à la douleur. Dans la séquence IX de « Golfe de Gabès », le poète évoque un moment fort douloureux qui l’a profondément marqué : la mort de sa mère. C’est peut-être la  » douleur transperçant l’agonie de l’éphémère  » et les « cris de la mère » du poète qui transmuent la  » mer  » en  » mère  » et inversement.

Le ressort de la signification du titre du dernier recueil de T. Bekri réside sans doute dans le code implicite qui traduit l’entremêlement de deux métaphores apparemment étrangères l’une à l’autre : celle de la  » mer  » et celle de la  » mère « . C’est à partir de la mort de celle-ci que la vie du jeune enfant devenu poète a basculé, ouvrant ainsi l’immersion du poète dans cette  » douleur initiale  » et  » inconsolable  » (OIivier Apert). Cette dernière imprègne profondément, sinon irrémédiablement, l’univers poétique de T. Bekri.

 » Isthme comment consoler les soirs solennels / Qui se remplissaient des cris de ma mère / Sa douleur transperçant l’agonie de l’éphémère / Sans baume sourates et tumeurs hurlantes / ll fallait être sourd aux déraisons des oncles / Le lit détourné de sa flamme affectueuse / Par le silence momifié dans le regard d’abîme… » (p. 28)

Laila PANI

Libération (Maroc), 28/09/2004

Un écrivain à découvrir
Tahar Bekri, poète de neige et de feu

(MFI) Chaque deux ans ou peu s’en faut, avec une belle régularité depuis bientôt vingt ans, le poète Tahar Bekri livre un recueil. Depuis Le Laboureur du soleil en 1986, il en est ainsi. Aujourd’hui, succédant à L’Horizon incendié en 2002, voici La brûlante rumeur de la mer…

L’eau, le feu et l’incendie, la mer et l’océan, le poète tunisien est dans… ses éléments. Il y poursuit ses pérégrinations, ses errances, ses exils avec pour tout viatique, sa mémoire et ses livres. D’un recueil l’autre, la lecture et le voyage demeurent bien les deux pôles d’attraction du poète, avec toujours ce même élan vers le départ et l’ailleurs, et la découverte de l’autre. L’autre traqué dans la réalité des instants privilégiés de la rencontre mais aussi au détour d’une page, dans le souvenir d’un vers, dans la résurgence d’une lecture. Et partout, essentielle et primordiale, la mer qui sépare et relie, qui distend et rapproche, qui contraint l’homme à sa terre mais le rattache aux autres mondes.
Ainsi, au gré du recueil, les lieux se succèdent : l’Espagne, Lisbonne et les ombres de Pessoa, la Grèce et ses îles, l’Italie de l’Arno et de Pétrarque. Et, bien sûr, la Tunisie, mais aussi la Bretagne compagne. Toute étape est un poème. Les lieux sont confluences tout comme les poètes sont complices. Dès lors, il n’est pas étonnant de voir surgir Carthage et Pessoa, Sousse, Sidi Bou Saïd ou le Golfe de Gabès. Tous ces lieux ont la mer en partage, en partance…
Point d’orgue de ce recueil, un superbe poème « Porte de la mer », signé en 2003 en Tunisie et que l’on pourrait considérer comme emblématique du recueil. Il s’agit là du bilan d’un éloignement et des retrouvailles, de la proximité retrouvée au-delà des fractures de la vie. Le poète réanime les sens « déréglés à la poursuite des ailées utopies » et guète les sensations (« Cuir cuivre et roses des sables / Parfums odeurs confuses et bougies / Amours parmi les étalages à l’invite »). L’instant est fragile, entre mémoire et oubli, fureur et nostalgie : « l’asphalte de nos vingt ans sans merci / Pourquoi as-tu laissé orphelines migrantes / Sur le large nos vagues téméraires / Assaillies par les courses haletantes / Chants vibrants près du mirage revenu ». Peut-être en ces vers peut-on voir sourdre les rumeurs de l’exil mais n’y a t-il pas aussi le sentiment diffus que sans cette rupture, l’aventure eut été bien différente ?
Contre vents et douleurs de l’exil et en quelques trente années de création, Tahar Bekri a su imposer le dialogue, rompre les frontières, franchir les gués incertains des travaux universitaires, poursuivre la quête fraternelle. Par profession et par goût, il a su se montrer attentif aux voix de ses « collègues ». Multiple mais un, il continue d’écrire en français et en arabe, de lire les contemporains et les classiques des « deux rives », de combattre les clivages qui séparent l’Afrique du nord du reste du continent, d’arpenter les livres du monde et de tenter de briser les douanes des langues et des nationalités. Tahar Bekri joue à parsemer de couleurs la palette du village mondial qui a une fâcheuse tendance à la monochromie, pour ne pas dire à la… monotonie. La carte du poète ne connaît pas les frontières et trouve, dans ses suds comme dans ses nords, des ombres tutélaires, des havres de réflexion et de rupture, des lieux où poursuivre le dialogue amorcé en d’autres terres, en d’autres temps.
« Dehors est un grand pays »… Tahar Bekri aurait pu faire sien ce titre de l’écrivain réunionnais, Alain Lorraine, tant la formule parait convenir à la démarche du poète né à Gabès en 1951 et résident à Paris depuis 1976. Avec une douzaine de recueils publiés auxquels il faut adjoindre douze autres livres d’art à tirage limité illustrés de lithographies et peintures, de photos, de gravures ou de calligraphies, Tahar Bekri a su trouver sa place dans le paysage poétique de ces dernières années. Enseignant, il s’intéresse tout particulièrement aux littératures du Maghreb auxquelles il a consacré de nombreux articles et deux essais, après avoir soutenu et publié sa thèse sur le romancier algérien Malek Haddad. Poète « de l’élément », il n’a cependant pas remisé ses certitudes, ses interrogations et ses querelles avec les « événements ». Ainsi, malgré l’éclectisme des lectures, la multiplication des voyages, la diversité des attentes et des rencontres, il semble bien que, du Laboureur du soleil à La brûlante rumeur de la mer, il ne soit qu’un seul poète, un même élan, un même poème « de neige et de feu ».

La brûlante rumeur de la mer, par Tahar Bekri. Al Manar, 88 p., 16 euros.

B. M.

Poésie: L’actualité de Tahar Bekri

Tahar Bekri, un monument de la poésie, avec d’autres fabricants d’images visionnaires, qui ont choisi vivre dans l’Hexagone, se sont donné rendez-vous à Paris pour célébrer à leur façon la Journée mondiale de la poésie. Tout en vers, émotions, et… hommages…Ecrivain tunisien né à Gabès en 1951 et résidant en France depuis 1976, où il enseigne à l’Université de Paris X- Nanterre, Tahar Bekri est un poète prolifique, écrivant aussi bien en français qu’en arabe. Son œuvre, marquée par les thèmes récurrents de l’exil et de l’errance, est enracinée dans la mémoire tunisienne et plus généralement, arabo-musulmane, dont elle tire sa sève. Cette œuvre, qui est une constante traversée du temps, des espaces et des langues, se situe à la croisée de la tradition et de la modernité, du je et de l’autre, du passé et de l’avenir. Elle constitue aussi un appel vibrant au dialogue entre les hommes et les cultures. Souvent saluée par la critique internationale comme l’une des plus importantes du Maghreb, elle a fait l’objet de nombreux travaux universitaires en France, en Italie, au Canada et dans les pays de l’Afrique du Nord. Les quatre derniers ouvrages du poète sont : La brûlante rumeur de la mer (Ed. Al Manar, Paris 2004), Les songes impatients (Ed. Aspect, Nancy 2004), L’horizon incendié (Ed. Al Manar, Paris 2002) et Marcher sur l’oubli (Ed. L’Harmattan, 2000). Sa bibliographie, forte de 308 pages, a été réalisée sous la direction du Marocain Najib Redouane et éditée par l’Harmattan en 2003. A l’occasion de la Journée mondiale de la Poésie, qui sera célébrée le 21 mars Tahar Bekri participera à une lecture-spéciale intitulée « L’ailleurs est ici », mise en espace de Vivian Lofiego, au Théâtre 13, sis au Boulevard Auguste Blanqui, Paris XIIIème, aux côtés des poètes Aïcha Arnaout, Nicole Brossard, Jacques Lacarrière, Grecia Càceres, Seyhmus Dagtekin, Dimitris Kraniotis, Vivian Lofiego, Vénus Khoury-Ghata, Issa Makhlouf, Jean Melellus, Luis Mizon, Myriam Montoya, Nimrod, Jean Portante, Tjesper Svenbro et Salah Stétié, avec la musique du bandéoniste César Stroscio.Le lendemain, 22 mars, il prendra part à l’hommage qui sera rendu, à l’Institut du Monde Arabe, Paris Vème, au grand poète syrien Mamdouh Adwan, disparu le 19 décembre 2004. L’hommage mis en espace par Mohamed Saïf, sera marqué par la lecture d’un choix de poèmes du poète disparu par un groupe de poètes arabes résidant en France : Tahar Bekri et Mana Ben Abdeladhim (Tunisie), Etel Adnan, Issam Makhlouf, Salah Stétié, Bassam Mansour (Liban), Bachir Al Baker, Salwa Al Neimi (Syrie), Kadhim Jihad (Irak) et Abdelilah Salhi (Maroc). Les lectures seront accompagnées au luth par la Tunisienne Zohra Madani.

Zohra ABID

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La mer patrie

Dans son dernier recueil de poèmes, « La brûlante rumeur de la mer » (Ed. Al Manar, Paris 2004, 84 pages) Tahar Bekri promène son regard de poète et de visionnaire à travers des paysages chargés de beauté, d’histoire et d’émotion.De Sousse, « baignée au loin par la vague inquiète » à Sidi Bou Saïd, « qui trône dans l’euphorie des mimosas », en passant par Lisbonne, au Portugal, « tombeau de Pessoa », à Burgos, en Espagne, qui « attend le printemps », par Cesenatico, en Italie, entrevue dans « Le matin évanescent), Kavala, en Grèce, où « Les barques reviennent toujours », Doëlan, en Bretagne, « entre averses et éclaircies », Gabès, « La palmeraie de l’enfance », jamais vraiment quittée, mais toujours retrouvée comme une promesse de soleil…, Tahar Bekri déroule l’espace méditerranéen, intense et lumineux, comme un chant à la gloire des hommes qui l’ont marqué de leurs traces indélébiles. Ici le poète se fait peintre, à l’affût des formes et des couleurs. Il se fait aussi philosophe, interrogeant la mémoire des hommes. Mais aussi historien de l’instant fugace. Et les poèmes deviennent des sortes de haïkus, ces courts poèmes japonais qui se détachent comme des ailes de papillon et se mettent à voler.

Z. A.
 
Le Quotidien, Tunis, 20/03/2005

Tahar BEKRI La brûlante rumeur de la mer, éditions Al Manar, 2004, 80 p.

Le titre lui-même, La brûlante rumeur de la mer, est tout un poème au souffle long qui se déploie au fil de quatre-vingts pages. On connaissait Tahar Bekri comme poète de l’errance et de l’exil. Ici, le texte poétique marque les lieux du passage des êtres et du temps. La mer est le lien infini entre ces paysages qui renvoient à des pays allant de l’Atlantique à la Méditerranée : Bretagne, Portugal, Espagne, Italie, Grèce, Tunisie. Et les vagues, comme les souvenirs du poète, le mènent loin. mais très près cle son vécu, jusque sur le lieu de l’enfance, à Gahès. Le poète note que la mer n’est pas un lac qui,  » même majeur « , reste toujours à la même place. Les désirs de la mer la portent toujours vers le large. Elle peut être baie ou golfe, mais qui donc peut empêcher la tner d’écouter ses propres battements de cœur ? Ainsi, la rumeur de la mer est d’abord intérieure, profonde. comme une lave brûlante, à l’instar de la quête qui habite le poète. En effet le premier lieu où se rejoignent toutes les mers n’est?il pas celui d’où partent les premiers souvenirs ?
Au moment où le poète chante le  » Golfe de Gabès « , les souvenirs affleurent de toutes parts.
 » Cétait au temps des jarres remplies de dattes «  , dit-il. De la  » palmeraie de l’enfance «  où le poète se revoit écolier, au souvenir du  » grand-père solitaire «  puis à celui, central, de la mort de la mère, comme si Dieu était absent du monde. Les mots du poète font la ronde autour des ruptures dans le tissu de la vie. Le golfe de Gabès, lieu du repos éternel des êtres chers, n’est pas pour autant un havre de paix. À partir de ce pays réel sourdent dans l’âme du poète toutes sortes de vagues ténébreuses. comme s’il y avait là une source de tourments. Le point de départ d un questionnement inlassable sur le sens de la vie et de la mort. Hormis le golfe de Gabès, d’autres ports d’attache dans la Tunisie natale sont aussi célébrés : Sousse, Sidi Bou Saïd, Porte de la mer, Carthage. Mais tout point de départ est sans cesse mouvant, comme la rumeur de la mer chaque jour recommencée. Et le pays d’origine n’est-il pas aussi cette  » brûlante rumeur  » que l’on porte en son for intérieur en partance vers l’autre et l’ailleurs ? L’autre pourrait être la femme à qui le poète prête voix au cours de sa quête. Ici aussi il s’agit de souvenirs et de mémoire :  » Je retenais les rayons du soleil / Pour tisser un pays de haute mémoire / les fils de mes songes faits et défaits / Les hirondelles nous rendaient visite / Leurs nids comme de douces compagnies / Partageaient nos demeures. «  ( p.56).

Dans ce recueil, le poète a pour compagnons d’autres auteurs, comme si ceux-là lui parlaient au moment où il poursuit sa quête ontologique et poétique : Imru’ul Qays (Vle siècle), figure emblématique toujours présente, Pablo Neruda, Pessoa, Dante, Pétrarque. Il entretient un dialogue avec eux, comme si le temps n’existait pas, comme si la Terre n’avait pas de frontières. Et la mer est là, profonde et toujours mouvante, sans fin, comme l’écriture poétique.

Ce journal poétique, composé de seize poèmes datés ou non, est de toute beauté. Tahar Bekri, qui a à son actif une vingtaine d’ouvrages (poésies, essais, livres d’art) nous donne à lire ici des mots aux sonorités claires qui disent bien en quel sens la mer est la métaphore de l’être, toujours en mouvement. Dès qu’il est jeté dans le monde – appelé à aller toujours loin de soi, vers le large – l’être, comme la mer, poursuit une quête sans fin, passe par l’autre, effleure sa surface, afin de revenir à ses propres profondeurs et repartir de plus helle…

Tanella BONI
Notre Librairie, n° 158, 2005


Tahar Bekri (à gauche) et Alain Gorius au Marché de la Poésie, 2004


Le Magazine littéraire, mars 2006


Culture

Dans le cadre d’un nouveau cycle culturel à Paris

Tahar Békri ou la parole fraternelle du poète


Heureuse initiative que celle que vient de prendre en faveur de la culture l’ambassadeur de Tunisie en France, M. Raouf Najjar : instituer au sein de l’ambassade, chaque mois, un mercredi, non pas un « cénacle, un club ou un cercle », mais « tout simplement un espace culturel, d’amitié et d’échange, de reconnaissance et de considération, rendant hommage aux créations récentes et nouvelles » des Tunisiens et Tunisiennes ainsi que des amis de la Tunisie.
C’est à Tahar Békri, notre poète national, qu’est revenu l’honneur d’inaugurer ce nouveau cycle culturel, »Les mercredis de l’ambassade ». Né en 1951 à Gabès, Tahar Békri vit aujourd’hui à Paris. Maître de conférences (Lettres arabes) à l’Université de Paris X-Nanterre, il a à son actif une vingtaine d’ouvrages en français et en arabe (poésie, essai, livre d’art), traduits dans différentes langues (russe, anglais, italien, espagnol, turc, etc.).Son œuvre, objet de travaux universitaires, est, comme il le dit lui-même sur son site, « marquée par l’exil et l’errance » ; elle « évoque des traversées de temps et d’espaces continuellement réinventés. Parole intérieure, elle est enracinée dans la mémoire, en quête d’horizons nouveaux, à la croisée de la tradition et de la modernité. Elle se veut avant tout chant fraternel, terre sans frontières ». Cette première rencontre a réuni mercredi dernier plusieurs hommes et femmes de lettres ainsi que des personnalités du monde diplomatique, dont MM. Mongi Bousnina, secrétaire général de l’Alesco, et Henri Lopez, ambassadeur du Congo Brazzaville.Dans son allocution de bienvenue, M. Raouf Najjar a salué en la personne de Tahar Békri « le poète de talent », dont « la poésie a su nous faire vibrer ; elle nous traverse et nous transperce ». Faisant allusion aux recueils récents de Tahar Békri, L’Horizon incendié et La Brûlante rumeur de la mer, Monsieur Raouf Najjar ajoute judicieusement : « Après avoir labouré le soleil et incendié l’horizon, Tahar Békri ne pouvait que nous faire plonger dans une mer brûlante ».Prenant à son tour la parole, le professeur de lettres françaises, Jean Louis Joubert, lança un vibrant hommage à l’homme qui « a su persévérer dans son être de poète et assumer l’exigence qu’il a senti croître en lui, car qu’est-ce qu’un poète, sinon le plus irremplaçable, le plus indispensable des hommes ? … Le poète ce n’est pas un supplément, ce n’est pas un superflu qui s’ajoute mais c’est la clé de voûte qui signe la perfection de l’édifice ».Evoquant le dernier recueil de Tahar Békri, La Brûlante rumeur de la mer, au titre « fécond » puisqu’il éveille en nous « un jeu prolongé d’échos et d’harmoniques », le professeur Joubert explique : « Cette brûlante rumeur de la mer, c’est bien sûr, cette inquiétude, ce questionnement que prolonge le ressac de la mer et qui accompagne le lecteur tout au long de l’œuvre dans un itinéraire qui est à la fois géographique et littéraire… Le recueil se tisse donc de l’expérience vécue du voyageur et du lecteur qu’est Tahar ; mais comme Mallarmé, il se méfie de l’universel reportage. Ses poèmes ne décrivent pas ; ses poèmes ne racontent pas ; ses poèmes interrogent, ses poèmes posent des questions. Le jeu des mots et des images posent les éléments d’une sensation, d’une émotion, à charge au lecteur de se laisser porter par les échos qui vont s’éveiller en lui ». »La poésie de Tahar Békri, sans en avoir l’air, est une poésie engagée », affirme le professeur Joubert dans sa conclusion.Cet engagement, c’est Tahar Békri lui-même qui se chargera de le développer. En voici quelques extraits : »J’écris du questionnement… J’écris de cette volonté de dissiper un peu de l’obscurité ambiante… J’écris de l’absence parce que le plein n’est pas une réponse. …La vie, l’amour, la mort : trois questions fondamentales qui reviennent dans ce que j’écris, même si les lieux changent…Ecrire c’est aussi se réclamer du devoir du beau, le monde devrait être beau ; le monde pourrait être beau mais hélas, il y a cette laideur, non la laideur dont parle Baudelaire mais la laideur morale, la violence, la guerre, l’intolérance, le fanatisme religieux. Et le devoir de beauté, c’est de se réclamer de ce visage humain, de la belle parole poétique comme parole fraternelle, amicale, qui traverse les lieux, les souvenirs, le vécu ».On songe alors à l’immense rôle du poète en ce monde meurtri, et à ces mots d’Anatole France dans son Jardin d’Epicure : Les poètes nous aident à aimer ; ils ne servent qu’à cela.Et c’est un assez bel emploi de leur vanité délicieuse.Au programme des deux prochains mercredis de l’ambassade : la romancière Hélé Béji et l’économiste Christian de Boissieu.Rafik DARRAGI
Kuravane, de la compagnie Raghunath : Comme dans un temple…

Rafiq Daragi, La Presse de Tunisie

Rencontre avec Tahar Bekri, un poète tunisien à Paris : “Je crois à la liberté du lecteur, à son intelligence”

Tahar Bekri est né en 1951, à Gabès. Il vit et travaille aujourd’hui en France. Considéré comme une des plus belles plumes du Maghreb, son œuvre est universelle et sans frontière, elle a été traduite dans de nombreuses langues dont l’anglais, l’italien, l’espagnol, le russe etc…

Tahar Bekri fait partie de ces auteurs qui maîtrisent la langue arabe et la langue de Molière à la perfection.

De ses trente années de création, on retrace les thèmes de l’errance, du voyage, la découverte de l’autre et la rencontre, sans oublier la douleur de l’exil. D’un recueil à l’autre, il nous offre un langage d’amour, empreint de fraternité où tous les peuples pourraient se réunir autour de valeurs communes. Toujours en quête de soi et de l’autre, à travers ses multiples voyages. son écriture reste un plaidoyer pour combattre l’intolérance, une affirmation de l’ouverture au monde.

Chaque deux ans ou presque, avec régularité, depuis bientôt vingt ans, l’auteur livre un recueil de poésie. Depuis “ Le laboureur du soleil ” en 1983 et succédant à “ L’Horizon incendié ” en 2002, son dernier recueil “ La brûlante rumeur de la mer ”, est paru aux Ed. Al Manar à Paris. En juin prochain paraîtra aux mêmes éditions son recueil “ Si la musique doit mourir ”.

Sa poésie évoque des traversées spirituelles où s’entremêlent des contrées étrangères (Espagne, Grèce, Portugal, Italie etc) avec sa terre natale, la Tunisie et son cher Golfe de Gabès, comme s’il était constamment à la recherche d’espace et de distance. Une quête aussi vers l’absolu, vers cet “ ailleurs, qui est l’infini ”. Et malgré l’éclectisme de sa création, il reste authentique et unique dans sa plume. Avec une douzaine de recueils publiés, en ajoutant les livres d’art à tirage limité, accompagnés de lithographies et de peintures, Tahar Bekri trouve sa place dans le paysage moderniste de la poésie de ces dernières années. Maître de conférence à Paris X, il est spécialiste des littératures du Maghreb qu’il défend corps et âme.

Son dernier recueil, “ La brûlante rumeur de la mer ” est la célébration de voyages initiatiques, sur des mers aux mille contrées. Un dialogue avec soi-même dans les profondeurs de l’abysse marine. La mer est cet élément fascinant et troublant à la fois, “ mer amante et nourricière ” comme quand il l’observe sur les rivages de Sidi Bou Saïd ou de Carthage ou quand elle est liée aux souvenirs de l’enfance dans le Golfe de Gabès. Tendre et brûlante. Apparente et intérieure. Une mer qui n’est jamais la même, à la fois tentatrice et séductrice, libre ou traîtresse, quand le fond se dérobe à ses pieds. Tahar Bekri s’adresse à elle, chaque fois dans un langage différent, qu’il soit dans un port italien ou en Bretagne. La mer et l’émotion qu’elle lui donne est changeante mais jamais indifférente “ La mer ne peut trahir ses vagues scélérates ”…

Rencontre avec le poète.

Pourquoi “ brûlante ” et quel est son sens dans votre vision de la mer ?

La poésie ne s’écrit pas de la réponse mais de la quête, de la question. C’est l’interrogation inquiète qui tente de dissiper l’obscurité qui me fait écrire et non la béatitude auto-satisfaite. Si la mer est brûlante, peut-être parce qu’elle porte mon être, intérieur comme extérieur, toujours naviguant par mer haute, braise contre cendre, lumière contre ombre, affranchissement contre servitude, mouvement contre identité sédentaire. En dépit de sa magnifique beauté, la mer m’habite comme une rumeur du monde avec ses remous et ses fracas. Souvenirs individuels, vécu intense, émotions conflictuelles, fraternité poétique universelle s’enchevêtrent comme pour tenter d’adoucir tant de sel !

La mer pour vous est-elle femme ?

Pas nécessairement, surtout qu’en arabe la mer est masculin. Comme élément de la nature, elle est chargée de dimension métaphorique. Ici elle est océan, là elle est golfe, bassin, mais elle se remplit de tous les fleuves du monde.

Vous considérez-vous comme un auteur “ naturaliste ” ?

Non, pas du tout. Les éléments de la nature sont évoqués dans une poésie allégorique, symbolique, figurée, imagée, jamais comme une peinture pour elle-même.

Le thème de l’exil est récurrent dans votre œuvre, expliquez-nous…

Disons qu’il a marqué surtout mes premières œuvres, notamment celles écrites avant 1989, quand je ne rentrais pas en Tunisie. Depuis, il a évolué vers la rencontre positive, la liberté de l’errance, le refus de la fixité et de l’immobilité. Je sens le besoin d’espace et de distance pour répondre à l’appel du large.

Vous êtes un esthète des choses de la vie, vous voyez-vous ainsi ?

La poésie est émotion, langue et partage, écriture et expression profonde de l’être. Elle est aussi connaissance et vision du monde. Depuis la nuit des temps, la poésie qui se respecte ne cesse de poser les questions fondamentales de la vie, l’amour, la mort. Poser ces mêmes questions, c’est placer le poème au centre de l’humain, lui donner sa signification majeure, sa nécessité et son importance.

Quels sont les messages que vous voulez donner dans votre dernier recueil ?

Je crois à la liberté du lecteur, à son intelligence. J’espère tout simplement que ces poèmes parlent au lecteur, l’émeuvent, le bouleversent, le touchent, l’aident à aller au plus profond de soi, à quitter la surface des choses.

Qui est Tahar Bekri ? Vous sentez-vous écartelé entre deux cultures ? Quelle place la poésie arabe a-t-elle de nos jours ?

Dans l’article que j’ai publié récemment dans Le Magazine Littéraire, j’ai parlé de dialogue entre les langues, je pourrais ajouter dialogue entre les cultures. Je suis profondément attaché au bilinguisme comme à la diversité culturelle. Pas écartelé donc, au contraire, doublement enrichi et je remercie l’enseignement tunisien qui m’a donné cette chance.

Pour ce qui est de la poésie arabe actuelle, elle n’a rien à envier aux grands mouvements de la poésie moderne mondiale. Elle participe amplement et activement avec des voix fortes et audacieuses à la création contemporaine.

On dit que les poètes sont seuls pour écrire, ressentez-vous la solitude des mots ?

Les mots sont de formidables compagnons. Ecrire c’est parler en silence. Les mots sont notre salut. Si la solitude est nécessaire au poète, elle l’est moins à la poésie. Certes, un poème est une bouteille jetée à la mer mais son bonheur est de pouvoir désaltérer un assoiffé !

Votre poésie est-elle le reflet de votre vision de la vie et du monde ?

Oui. Absolument. Comment pourrait-elle autrement ?

Quel est le symbole de la réussite pour un poète ? Etre au top du box office, être invité dans des émissions littéraires ou être étudié par les élèves ?

L’écriture n’est pas une parade ni une course aux honneurs, elle est d’abord une expression forte qui implique l’être dans ce qu’il a de plus profond. Le vrai poème traverse le temps et l’espace. Sa vérité dépasse le conjoncturel et le circonstanciel. Mon bonheur a été parfois quand le poème a rencontré un lecteur anonyme. C’est ce qui est arrivé récemment où une artiste m’a écrit pour me dire qu’elle fait une exposition de livres en verre à partir de l’un de mes recueils, “ Les Chapelets d’attache ”, idem pour un musicien qui a composé une musique et donné un concert à partir de “ La Brûlante rumeur de la mer ”, deux artistes que je ne connais pas et que je n’ai pas encore rencontrés mais qui ont rencontré le poème…

Fériel Berraies Guigny

Pour lire l’article de Fériel Berraies Guigny sous sa forme originelle, cliquez : www.babnet.net/festivaldetail-8241.asp

 » Quand les palmes graves tombent des nues  » on se sent comme loger juste dessous… Même si, dans le meilleur des cas, l’état de conscience peut se prédisposer à la tourmente qui vient, laquelle n’est jamais tout à fait la même, douter semble être ici l’impératif quasi catégorique. L’écriture de Tahar Bekri trouve matière en déclinant ce qu’elle dispute ou retrouve du temps, et se franchit dans ses oppositions profondément inscrites. Amertume, douleur un peu sourde sur laquelle on revient constamment, on est saisi d’émotion parce que le poème se donne entier à lire comme une image. Sa construction renvoie au visage inquiet une expression déchirée, soulignant de surcroît les infinies nuances d’un ressentiment hymniquement mis à l’épreuve de lui-même. Dans une progression de plus en plus désenchantée des expériences vécues, on suit les diagonales qui remontent d’un passé bien connu, on mémorise le concetto de certains poèmes, rendus à cette terre qui mène au même point d’orgue : la mer.
Saveurs et sens dissous, sels des fils d’essence ascensionnelle constituent la véritable forme d’échappatoire ; ainsi  » Les troncs de palmier nos meilleurs ponts « .

Mathieu Nuss
Cahier critique de poésie, CIPm 2006


La brûlante rumeur de la mer, reliure de création par Marie-Dominique Choquet
(peau de requin et coquillage)

Caractéristiques

exemplaire

courant, de tête

parution

Auteur

BEKRI Tahar

Artiste

LEICK Joël

Collection

Poésie