Description
Le livre
Chaque départ est une révélation, ce n’est pas possible, elle s’en va.
À vingt et une heure, je reprends vie.
Le brouhaha du café recouvre ma mort. Je renais de mes cendres.
Je lui ai demandé tout à l’heure, à dix-huit heures, de moins m’appeler.
Entendre sa voix me ramène à ma solitude vorace d’elle. Quand je ne l’entends pas, je l’oublie, j’oublie combien je suis seule, je travaille, j’existe, je suis heureuse, en pensant à elle, pas trop, un peu.
Elle, qui m’aime un peu.
Jouir avec elle, c’est prendre le chemin de ma jouissance, c’est m’agripper comme elle s’agrippe, ne pas avoir honte de mon cri puisque le sien à elle si vaillant – ne le retient pas, l’éclate comme une pierre du haut de la colline, dévale contre mon sexe… N’en finit plus –
Si l’eau devait crier, mon amour.
Divin danger
Avec Divin danger, Valéry Meynadier nous embarque dans une drôle de promenade en pays de femme, en pays de déraison amoureuse. Un récit poétique, un érotique initiatique ? Ne cherchez pas : personne ne pourra étiqueter ce texte publié dans la collection « Erotica » des très belles éditions AL MANAR – belles par les choix de publication et par l’objet livre, dont on ne peut se séparer après lecture. Beaucoup moins de férocité désespérée que dans le très beau roman Ma mère toute bue (éditions Chèvre-feuille étoilée), l’écriture épurée, passionnelle, se met au service de la volupté, ourlée par les magnifiques fusains d’Albert Woda. Et nous voilà à la découverte des petites morts et des renaissances fulgurantes, du désir assouvi / inassouvi, tyrannique mais jamais soumis. Dans quelle dimension déambulons-nous, avec une auteure qui « gloubiboule » « à la crête des mots » ? En terre de rêve, de fantasme ? La réalité tente des incursions, dégage ! la réalité ! Laissons-nous emporter dans « l’élan d’un monde qui oublie », conjuguons avec Valéry Meynadier l’exaltation charnelle et le titillement de tous les sens. Le danger rôde, féminin, sublime, amoureux, divin…
Viviane Campomar
Editions Al Manar, Collection Erotica, 2017.
« MERCI POUR CETTE FEMME »
Avec Divin danger, les éditions Al Manar nous livrent un exemplaire soigné de leur collection « Erotica », illustré de dessins d’Albert Woda. Dès l’adolescence, le désir était là, séparé par une cloison : dans l’appartement d’à côté, deux femmes dont les plaisirs brûlaient le corps de la narratrice, les Impudentes, comme disaient des parents qui avaient tout compris. Mes oreilles naissaient avec les voisines. Le moindre bruit d’à côté, je l’écoutais passionnément. Sans doute, pour cela, aujourd’hui, je fais de la musique. Il est vrai que dans ce recueil dédié aux amantes, à leur corps, à leur sexe, au désir fou de les posséder et de s’en faire posséder, la musique accompagne une écriture dense et précise. Les ébats nous sont comptés avec l’intensité et la vitesse d’un désir qui se porte sans se lasser, ou presque, d’une femme à une autre, d’un sexe féminin à un autre. Tu es toutes.//-Qui es-tu ? te dis-je dans l’oreille. Les mains se glissent inlassablement, les langues s’activent au gout de la femme, de toutes les femmes. L’une remplace l’autre, obsédante cependant, et les rencontre se succèdent livrant des corps brulants, collés irrésistiblement l’un contre l’autre, même si quelques inhibitions pourtant par certains côtés se font jour, que la narratrice écarte pour renouveler le plaisir avec ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, mais avec la même puissance dans le désir. Il suffit que tu parles, ta voix suffit à mon désir. / Tu me vois attachée. / J’ai envie de te baiser, me dis-tu. / Je m’entends gémir. / Tu es nue, me dis-tu, attachée.
Olivier Massé
« Tout près de Beaubourg. Mais pas au centre-cul. Quoique, si l’on réfléchit à la valeur sémantique des mots que l’on récuse, l’on soit toujours au plus près de l’objet du délit, celui de la plus haute vertu selon Maurice Scève. Un lieu inhabituel pour les rockers, le local LGBT. Lesbiennes, Gays, Bi, Trans, je traduis pour ceux qui auraient des doutes sur la signification des initiales, n’ayez pas peur, toute sexualité est équivoque, puisqu’elle met en cause au moins deux fragmentations du réel, vous-mêmes et votre désir. Oui je suis en danger, mais divin, puisque ce soir Valéry Meynadier lit quelques extraits de son livre Divin Danger.
Petite salle du bas, au bout d’un escalier hélicoïdal, public essentiellement féminin, car la performance s’inscrit dans les les festivités préparatoires au Salon du Livre Lesbien à la Mairie du Troisième Arrondissement de 14 à 18 heures, le samedi 7 juillet 2018.
Silence. Toutes deux sont assises. Valery Meynadier le visage retranché dans le rideau de sa chevelure noire, le corps à moitié voilé par le ruissellement de cette longue chevelure – telle une toge de prêtresse antique – qui une fois debout tombe en cascade, très bas, bien en-dessous de ses genoux. Marie Colette Newman, carrure d’homme transgressive, penchée sur sa guitare basse électrique dont la forme et la décoration ne sont pas sans évoquer une mandorle vénitienne. La diseuse de bonnes aventures se lève et sépare les serpents de ses cheveux, les tient dans sa main, les exhausse tels des boas sacrés – ceux qui dormaient dans la couche d’Olympias la mère d’Alexandre – elle profère les litanies succulentes du plaisir saphique, et Marie Colette entremêle les mots de ses cordes, elle suit les flexibles inflexions de la voix, sait se faire caresse, tendre insinuation, intumescence de clitoris, et vaporisations implosives, car les vocables de Valéry Meynadier se dressent droits d’ardeurs et d’impudeurs tel le reflet tranchant de la vitre du désir transparent de l’autre, ils chantent les chaudes chattes de femelles énamourées, toi brulante, émois sans atours, la langue cherche ton sexe comme la courbure du bateau appelle l’effusion de la mer chavirante. Les lèvres se livrent et le livre s’élève en cette lente gesticulation du corps de l’officiante. Deux coques de chair s’entrechoquent en offertoire, Valéry lit, du bout de la langue, elle susurre et murmure, ses gestes délivrent le dire de l’appel exaucé, la foule, à sa bouche allaitée d’écume, boit ses paroles d’un miel bourdonnant d’Hymette lesbienne, et suit des yeux la lente danse sacrale de son corps de femme, qui ondoie et ondule, gracieux, gracile, qui raconte les jouissives rencontres décisives, l’entremêlement charnellement gordien que tout effort de séparation resserre plus qu’il ne défait. Statue de foudre mobile, transformée en incarnation de la Grande Déesse, celle qui préside aux grandes étreintes comme aux arrachements les plus cruels, elle est, et la poétesse, et la lyre modulée, qui chante dès que le vent de l’attirance effleure et effeuille ses nerfs de vulves vives et frémissantes. Elle ne prend le micro que pour confier encore plus bas les secrets inexpiables des joies les plus païennes. Elle préfère parler à voix nue, espiègle et piégeuse, dans le rire de l’innocence et de l’offrande. Colombe qui roucoule les passions les plus enivrantes ou qui scande les dandinements orphiques de l’appel à l’orgasme du chant et des chairs tendues à en mourir. La guitare de Marie Colette se tait à l’unisson de la voix de Valéry Meynadier. Elles nous laissent, désireux, fiévreux, inassouvis. Tout est dit. Surtout et avant tout le non-dit. Silence et applaudissements nourris. »
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« La Quinzaine littéraire », n° 1209, février 2019