Cette lumière dans cette obscurité

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Quatrième de couverture

Emmanuel Moses poursuit la construction d’une œuvre singulière où se mêlent et se côtoient abstrait et concret, imaginaire et réel, horreur et humour, passé et présent. Ce récit en forme de monologue en témoigne.

Description

« La pluie a recommencé de tomber sur la ville flamande et j’ai ouvert le parapluie que l’on m’avait prêté au Reylof, le matin, avant que je monte dans le minibus pour le gymnase du groupe scolaire. Un parapluie rouge comme la robe de la Vierge, ce rouge absolu né pour le théâtre, que le théâtre attendait comme une amoureuse attend, accoudée au rebord de sa fenêtre, l’arrivée de son fiancé. Et les vitraux
aussi, à cet instant, ont rougi ! Eux, si bleus dans le soir, si bleus sous le ciel bas et l’unique rayon du soleil pâle qui l’avait l’espace de quelques secondes percé, si obstinément bleus et dont le passage au noir l’autre matin n’aura été, me suis-je dit, qu’une impression infondée car cette fois, c’est indiscutablement de l’intérieur que semblait provenir la coloration des losanges de verre, comme rougissent de l’intérieur, sous sa peau diaphane, les joues de l’amoureuse lorsqu’enfin, après un long moment de rêverie, de tension et de crainte, arrive sous sa fenêtre l’élu de son coeur.
(…) »


Emmanuel MOSES, Cette lumière dans cette obscurité, Al Manar, 2022, 80p., 18 euros .

 

 

Le poète Moses, de temps à autre, s’adonne à la prose. Cela nous a valu, il y a quelque temps, un remarquable roman, « Monsieur Néant », tout empreint d’une lumière pragoise.

Le voici avec un récit, où la lumière, dès le titre, est aussi importante que l’intrigue narrée. Elle est à la fois précepte esthétique, outil d’éclaircissement, référence artistique. L’oeuvre naît-elle de la lumière ?

Ce récit commence à Düsseldorf. L’antihéros de ce récit, un metteur en scène de théâtre, est là pour y représenter une pièce, inspirée de Schubert. Mais rien ne va comme prévu. C’est une cuisante expérience, et compréhensible de son point de vue de dramaturge, puisqu’il a concentré toute son attention avec un mauvais éclairage. Il eût dû éviter de mettre en scène en utilisant les ressources d’un Mozart. Non, il fallait Schubert, uniquement lui.

L’erreur le plonge dans « cette obscurité » où tous les talents un beau jour s’empêtrent : dans les remugles des contradictions et des doutes.

La troupe va aller de ville en ville. C’est le tour d’une ville flamande, Gand. Une grève de techniciens empêchera finalement le spectacle d’avoir lieu. Le metteur en scène s’enfonce un peu plus. La ville a beau receler des trésors ; son amertume est grande, et les précipices sur sa carrière largement béants. La rencontre avec un confère, un Waldburger complètement pessimiste en matière de théâtre, ne peut l’inciter à voir les choses autrement.

Une lumière, née de sa vision de « La mort de la Vierge » de Caravage, va peut-être relancer les choses, après tout.

Même à Lille, dernière étape, l’épilogue cède à la rêverie. La lumière, enfin conquise ? On ne le sait.

L’écriture de ce récit envoûtant et libre, en de très longues phrases descriptives, emmène le lecteur dans une zone d’inconfort, celle de la conscience aiguisée et soudain privée de liberté créatrice. Sans doute, ces périodes longues illustrent-elles le dépit, la tristesse, la mélancolie d’un homme qui retourne sans cesse ses pensées dans un monologue éprouvant. Il n’a pas de nom ni de description. Son anonymat se renforce de l’ambiguïté même du récit qui va de l’errement en errance.

Cette angoissante traversée d’une pièce qui ne se joue pas, d’une lumière tant requise et qui n’éclaire qu’en fin de parcours, illustre sans doute notre propre errance, existence prise dans les rets de ce qui nous échappe.

Récit réflexif, au fond pas si éloigné du roman « Monsieur Néant », par sa portée métaphysique.

Un beau livre, exigeant.

Philippe Leuckx, La Cause littéraire

 

Emmanuel Moses, né en 1959, est un écrivain français. Il est l’auteur de nombreux recueils, de romans.

Citons « Le voyageur amoureux », « Ivresse », « Le paradis aux acacias », « Tout le monde est tout le temps en voyage » etc.

Plusieurs prix littéraires.

 

Philippe Leuckx est un écrivain belge, né en 1955.

 

 

 

Caractéristiques

exemplaire

L'un des 500 ex de l'édition originale

format / papier

15 x 21 cm, Bouffant édition

isbn

978-2-36426-284-3

nombre de pages

76

parution

,

Auteur

MOSES Emmanuel

Collection

Contes, récits & nouvelles