“Pour Jean-Clarence Lambert (né en 1930), la poésie, les arts plastiques sont sans frontières. Il a publié avec Roger Caillois un Trésor de la poésie universelle, 1958, il a réuni des poèmes du Mexique ou de la Suède. De la peinture moderne, il a percé les secrets ; de la danse, il a tracé la poétique. Les labyrinthes et dédales du monde (selon le titre d’un essai), il les a parcourus.
Avec Henri Lefebvre et Jean-Pierre Faye, il s’est interrogé : La poésie pour quoi faire ?, 1978 ; ses traductions et adaptations sont nombreuses : Pär Lagerkvist, Arthur Lundkvist, Octavio Paz, etc. Après ses poèmes en prose quêtant le fantastique dans la ville, Fables choisies, 1948, il a publié Dépaysage, 1959, Le Voir-dit, 1963, Code, 1967, Labyrinthe, 1973, Les Ames parlantes, 1976, Le Noir de l’azur, 1980, Idylles, 1985, Poésie en jeu, 1986, sans oublier plus de vingt éditions à tirage limité avec l’illustration des meilleurs artistes contemporains, des œuvres théâtrales et radiophoniques, des essais, etc.
Pour bien le percevoir, le choix de poèmes et le parcours de lecture de Georges Raillard dans Poésie en jeu 1953-1973 constituent la meilleure introduction. On s’aperçoit bientôt que ces œuvres épuisent le champ de la diversité et permettent de multiples interprétations, Jean-Clarence Lambert l’infatigable tentant toutes les expériences du langage, du lyrisme à la recherche textuelle, avec un sens de l’espace et des silences, du jeu des mots et des prestiges de la typographie qui peut faire d’un poème un tableau, une présentation graphique. Sans cesse, il cherche un agrandissement à la mesure de la planète et les grands parcours de la phrase comme ceux de ses multiples voyages et sa prise de conscience planétaire se reflètent partout. Octavio Paz lui a consacré un poème le montrant “insaisissable, insondable, impondérable” et passant de “la couleur au son / du son au sens / du sens à la ligne, / de la ligne / à la couleur du sens... et il a bien toujours une “dérive vertigineuse” — ce que la meilleure critique n’aurait mieux dit. Comme s’il se sentait à l’étroit dans le costume prêt-à-porter de la langue, il en fait craquer les coutures et ne craint pas, suivant le mode de Jean-Pierre Brisset ou de Michel Leiris, à gloser sur le glossaire, à soumettre les mots à une torture dont ils sortent métamorphosés et régénérés, prêts à de nouvelles significations et enfantant des néologismes, mais il n’y a pas que cela chez le savant Jean-Clarence car il connaît aussi les pouvoirs de la poésie la plus traditionnelle — à condition qu’on la viole un peu.”
Robert Sabatier, de l’Académie Goncourt,
extrait de La Poésie du XXe siècle
“Poète, traducteur et transcripteur de poésie, critique d’art et essayiste, Jean-Clarence Lambert est un écrivain des affinités actives. Un écrivain porté par la passion des interférences. N’a-t-il pas toujours pris le risque de provoquer les limites entre les arts et leur mutuelle inspiration ? Son voyage initiatique — temps et espace — est à l’exemple de tous ceux qui explorent les frontières entre les langues, entre arts et entre cultures. Riverain, certes, de notre contemporanéité et riverain attentif au croisement des signes et au conflit des sens. Conflit apaisé, chanté en quelque sorte par l’alliance entre le rythme poétique et le regard pictural”.
C’est en ces termes qu’Abdelkebir Khatibi a présenté Jean-Clarence Lambert, dont les liens avec le Maroc remontent aux années 60, quand il a connu à Paris la jeune génération d’artistes et d’écrivains marocains autour de la personne maintenant légendaire de Cherkaoui. Lambert a effectué de nombreux séjours au Maroc, pour des conférences, colloques, lectures de poèmes, expositions, etc.
REPERES ET PUBLICATIONS RECENTES :
Grand Prix de Poésie de la Société des Gens de Lettres, 1995.
Le Jardin Le Labyrinthe, poésie 1953-1989. Ed. La Différence.
Langue étrangère, recueil multilingue de traductions poétiques, La Différence.
Le Règne imaginal, 2 vol., essais sur l’art contemporain. Cercle d’art.
L’anti-légende du siècle, Syllepse, 1999.
Cœur ou abîme, illustré par Farid Belkahia, Esperluète éditions, 2001.